Certains clients me font tourner comme une toupie. À force de tergiverser ils nous font travailler d'arrache-pied au dernier moment. Laisser mûrir un projet a pourtant toujours porté ses fruits. J'aime faire les choses comme elles viennent sans être pressé par les délais, aussi m'y prends-je très tôt. Jamais de page blanche. Tout est simple lorsqu'on laisse les idées venir à soi par une sorte d'alchimie miraculeuse. Chaque pièce du puzzle s'emboîte parfaitement dès lors que l'ensemble est pensé globalement. La qualité artistique ne saurait obéir à des impératifs politiques ou commerciaux. Que l'on soit dans une logique poétique ou que l'on cherche à être utile nous sommes poussés par une évidence que seule la poésie et le travail nous octroient.

Pourtant, les 23 films de la collection Révélations furent réalisés en un mois, une histoire de fous. De mon côté, parallèlement à mon rôle de directeur artistique, je composais, enregistrais seul ou avec des musiciens comme le violoncelliste Vincent Segal, montais et mixais le résultat à raison d'un film par jour ! De temps en temps je choisissais ambiances et bruitages plutôt que musique, mais cela revenait au même, imaginer et réaliser la partition sonore d'un documentaire qui, par le travail de Pierre Oscar Lévy et l'absence de tout commentaire, nous plongeait en pleine fiction. Le mois suivant, je rattrapai le sommeil en retard. En général j'évite de me mettre dans des situations pareilles, mais nous sommes hélas trop souvent tributaires de décisions qui ne nous incombent pas.


Avec raison Pierre Oscar Lévy nous obligea à refaire la toupie du Chardin pour mieux l'animer. Nous nous étions donnés tant de mal à caler la planche la fois précédente alors qu'il me suffisait de l'incliner au fur et à mesure des lubies de la toupie pour que sa rotation dure le plus longtemps possible tout en variant ses mouvements. Suivit une séance de panoramification en fonction de l'animation en relief dont le film ne présente ici que l'œil gauche, puisque l'Enfant au toton est conçu pour être regardé avec des lunettes 3D comme le Böcklin.


L'horloge est d'époque ! La précarité du tournoiement de la toupie introduit dans cet univers calme la fragilité de l’existence. Rien ne dure jamais… Et pourtant, dans la version originale du film qui est en boucle, la toupie tourne indéfiniment, contrariant l'idée de cette "vanité"...

Scénario et réalisation - Pierre Oscar Lévy
Direction artistique - Jean-Jacques Birgé
Musique - Jean-Jacques Birgé, avec la participation de Sonia Cruchon
Conseil historique - Luis Belhaouari
Post-production - Snarx-Fx
Production déléguée - Dominique Playoust, Pixo Facto
Droits photo © Petit Palais / Jean Schormans
À l'origine, le film produit en 3D par Samsung Electronics France fut conçu pour être joué en boucle dans le cadre de "Révélations, une odyssée numérique dans la peinture".
Exposé au Petit Palais en septembre-octobre 2010.