Conséquence des économies budgétaires réalisées sur le dos de ce que l'on essaie de nous faire passer pour "la crise", les rétributions se jouent à la baisse. Dans le secteur culturel où les salaires se négocient au coup par coup, la chute génère une hécatombe qui n'est pas près de s'arrêter. Dans le cas des appels d'offres publics, obligatoires à partir d'un certain prix, la qualité a, la plupart du temps, été rétrogradée derrière le coût. Tel projet a beau remporter tous les suffrages tant artistiques que techniques, le gagnant correspondra à la proposition la moins chère. L'arnaque est pourtant connue de tous : les équipes les plus compétentes savent parfaitement ce que coûte l'entreprise et que les gagnants qui ont drastiquement réduit leur budget seront incapables d'aller au bout sans rallonge budgétaire. Ainsi on choisit aujourd'hui presque systématiquement de moins bons réalisateurs qui au final coûteront plus chers que les meilleures propositions. Cela s'appelle marcher sur la tête ! Il faut comprendre les jeunes souvent à l'origine du dumping des prix. On les forme de mieux en mieux, mais les débouchés n'ont pas suivi, bien au contraire, c'est la peau de chagrin. Ils ont d'abord besoin de se faire connaître afin de pénétrer des marchés tenus par leurs aînés. L'idée est difficilement critiquable, si elle ne torpillait pas les acquis des luttes passées qui ont permis l'essor de ces professions. L'erreur est d'autant plus dramatique que lorsqu'on a commencé à mal se faire payer, imaginer redresser ensuite les prix est un leurre. En bout de course les équipes les plus compétentes risquent d'y laisser des plumes, les clients de voir leurs budgets paradoxalement enfler pour une moindre qualité et les casseurs de prix d'être relégués au rang de travailleurs à la petite semaine. Vu de tous les bords, et quel que soit l'intérêt de chacun, ce n'est pas ainsi que l'on acquiert la considération des gens avec qui l'on travaille. Personne n'y gagnera rien.

Illustration de Boucq