En allant assister au défilé du couturier Issey Miyake j'avais une photo en tête pour y avoir pensé l'an dernier après la bataille. L'armée de snipers aux objectifs gros comme des bazookas a très peu de temps pour shooter les mannequins anorexiques qui arpentent le long et étroit podium déroulé entre deux gradins où des centaines de spectateurs les imitent avec leurs smartphones ou leurs caméras. J'en suis cette année. Si le placement des invités prend une bonne heure le défilé ne dure que quelques minutes. Envoyez c'est pesé. Poids plume. Les voiles s'envolent.


Sous la houlette du directeur artistique Roy Genty, le musicien japonais Ei Wada du groupe Open Reel Ensemble transforme une douzaine de vieux téléviseurs Braun reliés à des enregistreurs vidéo guidés par ordinateur pour constituer une sorte d'immense pad de synthétiseur lui permettant d'accompagner musicalement la présentation de la nouvelle collection printemps-été. Il utilise les propriétés électrostatiques des écrans cathodiques pour composer de petites mélodies minimalistes ou des rythmes en contrôlant des samples à raison d'un par écran. Son Braun Tube Jazz Band est placé au bout du podium, là d'où apparaissent les filles...


Je me demande chaque fois pourquoi la plupart des couturiers n'engagent que des mannequins filiformes qui font mal à regarder tant elles ont du mal à marcher. Pensent-ils sérieusement que ces cintres sur pattes mettent en valeur leurs créations ? Il me semble qu'une variation de formes permettrait mieux aux femmes d'imaginer à quoi ressembleront les vêtements sur elles. La légion de photographes amateurs en embuscade à la sortie du chapiteau dressé dans le Jardin des Tuileries ne s'y trompe pas, mitraillant les spectateurs élégants aux tenues les plus originales.