Un album du Kronos Quartet est toujours une bonne nouvelle. Même lorsqu'il n'y a pas de grande surprise le choix du répertoire et l'interprétation vivifiante livrent une énergie communicative. La musique de ce nouveau CD est entièrement composée par Bryce Dessner, le guitariste du groupe rock indépendant The National. L'influence des minimalistes y est évidente, mais les déclinaisons récentes que leurs émules développent offrent des variations souvent plus excitantes que les dernières œuvres de Steve Reich dont l'inspiration musicale semble à cours. Les prétextes de Aheym, Little Blue Someting, Tenebre et Tour Eiffel sont néanmoins moins convaincants que le lyrisme qu'elles ont engendré. Si quelques arpèges rappellent le côté guitaristique du compositeur, le rock est rarement convié aux agapes. L'apparition du chanteur Sufjan Stevens, se multipliant sur plusieurs voies comme le quatuor, est un peu fugitive dans Tenebre, mais la fraîcheur du Brooklyn Youth Chorus dirigé par Dianne Berkun envahit puissamment Tour Eiffel, rejoint par Dessner, le percussionniste David Cossin, la pianiste Lisa Kaplan et le trombone Dave Nelson, confirmant le désir de positivité de l'ensemble. Ce trait caractéristique des jeunes musiciens d'aujourd'hui exprime-t-il alors une fuite devant l'entropie qui nous guette ou une volonté délibérée de retarder la catastrophe ?