Prolongation jusqu'au 19 janvier !
Le Théâtre du Monde exposé à la Maison Rouge porte bien son nom. La scénographie qui s'y déploie est une démonstration éclatante de ce que pourraient être les espaces muséographiques si l'on voulait tirer les visiteurs par le haut en jouant sur leur sensibilité et leurs ressources propres au lieu de les noyer sous un amas d'érudition où se complaisent des universitaires étalant une culture qui n'a plus grand chose de commun avec l'art. Les cimaises aux murs blancs sont l'envers brutal et monstrueux de cet art brut ou contemporain qui fait naître les émotions par des jeux de lumière, où le parcours fait sens. Les cartels que les myopes et les presbytes ont en horreur ont été remplacés par un petit livret où sont détaillées les œuvres, accompagnées par des textes remarquables qui les plongent en quelques lignes dans l'univers, encyclopédie philosophique où se réfléchit la beauté et l'absurdité de l'humanité, vanité et mystère.


Jean-Hubert Martin, à qui l'on devait entre autres Les Magiciens de la Terre (1989), a mis en scène les collections de David Walsh, fondateur du MONA (Museum of Old and New Art) et celles du TMAG (Tasmanian Museum and Art Gallery). Chaque salle développe sa logique, jouant sur les formes ou sur le sens, composant contrepoint et harmonie, sans avoir peur de faire grincer les dents si nécessaire. Chacun peut y trouver sa place. Les surréalistes avaient montré la voie vers la nouvelle Babylone. Brecht avait renversé les rôles. L'hétérogénéité des œuvres, anciennes ou contemporaines, naïves ou savantes, tient du pamphlet politique, bouffée d'air frais d'un cabinet de curiosité en prise avec le réel, un réel qui traverse les siècles, fruit de nos rêves les plus fous, héritage magique que nous nous devons de partager avec le plus grand nombre en continuant à l'alimenter.


Si vous ne pouvez pas allez voir cette remarquable exposition qui fermera ses portes le 12 janvier 2014, regardez le petit film de 12 minutes qui suit. On s'y promène avec son commissaire, Jean-Hubert Martin, qui développe son point de vue critique. Mais si vous pouvez vous y rendre ces jours-ci (il y a moins de monde en période de fêtes), alors gardez le film pour plus tard, car il risque de vous gâcher un peu la surprise. Au cinéma on appelle cela un spoiler !


Vous n'avez pas pu résister ? Ce n'est pas grave. L'immersion scénographique n'est pas un avant-goût. C'est une expérience. Il faudrait plus de Jean-Hubert Martin, plus de Maison Rouge aussi, et moins de spécialistes. Les conventions perpétuent tant de prétention, d'érudition et d'élitisme stériles. Ici la mise en scène des œuvres laisse au visiteur la liberté d'interpréter ce qu'il voit et ce qu'il entend...
Ce théâtre où la poésie révèle l'intelligence me donne envie de retravailler pour les expositions ! Le son y reste le parent pauvre. Le silence n'existe pourtant pas. Pas plus là qu'ailleurs.

Illustrations : © MONA/Rémi Chauvin Image Courtesy MONA Museum of Old and New Art, Hobart, Tasmania, Australia © TMAG / JJB / Plan de l'exposition