La série télévisée n'est devenue rien d'autre qu'un très long métrage, la mini-série se cantonnant à des durées un peu moins pharaoniques, découpé en épisodes comme il était coutume de publier les romans dans la presse du XIXème siècle et du début du XXème. Encore aujourd'hui rares sont les lecteurs à s'avaler un bouquin d'une traite ! Le découpage en chapitres structure la lecture comme les épisodes télévisés, qu'on les découvre un par un au gré de leur diffusion ou plusieurs coup sur coup si, impatient, l'on préfère concentrer son plaisir.
En attendant l'ultime saison de Mad Men qui débutera le 13 avril aux USA, la série dont on parle le plus actuellement est sans nul doute True Detective, produite par HBO et diffusée en France sur OCS City. Enquête policière torturée et poisseuse dans de magnifiques paysages de Louisiane dévastée par l’ouragan Katrina, la première saison met en scène deux flics, écœurés par la bêtise de leur administration face au meurtre d'une jeune femme qui semble avoir été victime d'un culte satanique. L'action se situe en 1995 et 2012, tissant une trame complexe entre les deux époques, avec les deux protagonistes transformés par les coups durs de la vie. L'interprétation ténébreuse de Matthew McConaughey (héros du très beau film Dallas Buyers Club) est exceptionnelle et Woody Harrelson joue merveilleusement le faire-valoir buté. Si Nic Pizzolatto est en train d'écrire la prochaine saison, le casting sera chaque fois différent, et Cary Joji Fukunaga (Sin Nombre) n'en sera pas le seul réalisateur contrairement à la première constituée de huit épisodes.


La lenteur exigée par le naturalisme glauque du sud des États-Unis ne sied pas à tous les sujets. Agnieszka Holland (auteure d'une douzaine de longs métrages), qui avait réalisé plusieurs épisodes de The Wire, Treme et The Killing, se perd dans des détails domestiques peu signifiants lors de son évocation de la mort de l'étudiant tchèque Jan Palach qui s'était immolé par le feu en 1969 pour protester contre la présence des troupes soviétiques après le Printemps de Prague. Le réalisme devient alors un piège, diluant l'action et l'analyse dans un pathos qui fait probablement vibrer le peuple tchèque, mais nous endort au long des trois fois 80 minutes de Sacrifice, mini-série éditée en DVD par les Éditions Montparnasse. L'intrigue aurait pu ouvrir sur d'autres perspectives, fouiller plus sérieusement les motivations politiques des uns et des autres, car on ne peut pas appliquer les mêmes recettes à un polar, une enquête sociale ou un évènement historique (surtout lorsqu'on connaît l'Histoire).


La série britannique Hit and Miss créée par Paul Abbott met en scène une tueuse à gages transgenre interprétée par Chloë Sevigny devant jouer les mères de famille adoptive contre son gré. La fille en a, comme on dit vulgairement, rebelle provocant(e) à la double vie. Comme dans les deux autres séries citées plus haut, les paysages sont travaillés et la réalisation extrêmement soignée. Pourtant il n'y aura pas de suite. La loi de l'audimat est cruelle. Chaque série se doit de distiller une ambiance originale, sortir du cadre claustrophobique qu'imposait le petit écran (la taille des écrans plats et des vidéoprojections a changé la donne), et les meilleures n'ont rien à envier au cinéma hollywoodien. Quelques unes arrivent à imposer un style explosant le genre, mais rares sont les producteurs assez ambitieux pour marcher sur les pas du déjanté Twin Peaks. Pas de dynamitage des conventions cinématographiques traditionnelles, même chez Jane Campion, Todd Haynes, James Cameron, Alan Ball lorsqu'ils tournent Top of The Lake, Mildred Pierce, Dark Angel ou Six Feet Under... Au vu de la qualité des scénarios, de la réalisation, de l'interprétation, et des budgets qui leur sont alloués, on peut imaginer que certains cinéastes indépendants finiront par s'emparer du médium et inventer quelque chose qui n'a jamais existé, que ce soit dans l'économie de moyens ou dans une excellence qui gagnerait tous les ingrédients du film. À ce propos le travail de la bande-son reste entièrement à réfléchir, car même les meilleures séries sont aussi embourbées que les films dans une illustration musicale illustrative des plus conventionnelles, banalisant leurs efforts à se distinguer.