Il faut une loupe pour découvrir la distribution de ce film de jazz méconnu. Ella Fitgerald y interprète deux chansons dans un bouge au fin fond de la campagne du Kansas, Peggy Lee très peu vue à l'écran (la chanson de Johnny Guitar, c'est elle) est une chanteuse alcoolique qui finira à l'asile, Janet Leigh est plus séduisante que jamais, Jayne Mansfield a un petit rôle de vendeuse de cigarettes, Lee Marvin est le clarinettiste... Et l'homme de radio Jack Webb qui l'a réalisé s'est attribué le rôle titre, celui d'un cornettiste devant faire vivre son septet en 1927 au temps de la prohibition, coincé entre le syndicat des musiciens et les pressions brutales de la mafia locale.


Je n'aurais pas remarqué Pete Kelly's Blues sans l'article de Jonathan Rosenbaum, grand critique de cinéma et amateur de jazz. Il raconte que John Cassavetes s'en est inspiré pour son Too Late Blues que je vais revoir bientôt. Le personnage de Pete Kelly joué par Jack Webb à la Bogart est tendu comme un élastique qui ne claque jamais, on imagine un passé sévère qui ne sera jamais révélé : seule la musique arrondit ses angles cassants. Il ne fait pas partie des losers typiques des poncifs du jazz, quitte à ce que ses décisions demeurent ambiguës. Le passage à l'acte est l'ultime recours. La musique l'a habitué à chercher des compromis, mais pas dans sa vie. On n'est jamais seul dans l'improvisation, le moindre solo a besoin de l'orchestre. Pour l'instant le film, sorti en 1955 sous les titres Le gang du blues ou La peau d'un autre, n'existe en DVD qu'aux USA, mais il mériterait qu'un éditeur français s'en soucie...


N.B.: désolé pour l'anamorphose de la première bande-annonce, mais je n'arrive pas à corriger le film tel qu'il est publié sur YouTube... J'en ai ajouté une autre ci-dessus, plus courte, avec des différences notoires, mais dont le format est correct...