En me promenant sur le Net je suis tombé par hasard sur un livre étrange, écrit dans une langue calligraphique intraduisible, illustré de dessins totalement déjantés. J'avais déjà vu la double page du couple se transformant en crocodile, mais le PDF m'a instantanément donné envie d'acquérir l'objet malgré son prix coûteux. L'original du Codex Seraphinianus publié en 1981 par l'éditeur Franco Maria Ricci est inabordable, mais en cherchant bien j'ai trouvé en Grande-Bretagne une très belle édition américaine récente de 370 pages chez Rizzoli, somptueusement reliée et imprimée sur un papier extrêmement agréable au toucher pour 74 euros port inclus. Le texte étant indéchiffrable, un petit fascicule intitulé Decodex et signé de l'auteur est glissé dans la jaquette. Ce sont les seules informations de ou sur Luigi Serafini, la double page où l'on reconnaîtra quelques mots français, portrait esquissé d'Albertine dans La recherche du temps perdu, ne nous apportant pas plus de lumière.


Une petite recherche nous apprend néanmoins que Luigi Serafini est un artiste italien né en 1949, architecte et designer, auteur également de peintures, sculptures et installations (extrait 1 - extrait 2 - Photo). Il est entre autres professeur à l'École d'art Futurarium de Milan, enseignement axé sur les mots et les concepts plutôt que sur les matériaux. Il travailla avec le groupe de design Memphis d'Ettore Sottsass, sur le film La Voce della Luna de Fellini, à la Scala et au Piccolo Teatro di Milano parallèlement aux quatre ans qu'il passa à dessiner son codex. Aujourd'hui il continue à illustrer des livres d'art.


Roland Barthes fut pressenti pour la préface de l'édition originale, mais sa mort prématurée le fit remplacer par Italo Calvino. Dans son œuvre où les métamorphoses sont toujours imprévisibles on reconnaît évidemment l'influence de Jérôme Bosch, et celle qu'il exerça lui-même sur le dessinateur Moebius, le chorégraphe Philippe Decouflé et bien d'autres, auteurs de science-fiction en particulier.


Car le Codex Seraphinianus est "une sorte d'encyclopédie extraterrestre composée de onze chapitres traitant de la nature, des hommes, des minéraux, des mathématiques, de l'architecture et de l’écriture". Si la mescaline a ouvert certaines perspectives à Serafini, il a toujours réfuté son efficacité au moment de dessiner !