Michel Musseau pèse ses maux en nous renvoyant aux nôtres. Avec ses allures de clown triste le compositeur se prête à l'exercice de la chanson en s'accompagnant seul au piano. Chaque mot est à sa place comme dans une valise cent fois ouverte et refermée. Entre ses mains les riens du tout deviennent des vérités universelles. Les accords restent souvent suspendus comme si aucune résolution ne pouvait être prise sans que le clavier se cabre. Les aphorismes servant d'introductions sont déjà des courts métrages où l'absurde frise le bon sens. Chaque chanson, française comme le béret de Brunius dans L'affaire est dans le sac de Pierre et Jacques Prévert, met en voix une historiette métaphysique où l'humour révèle "la difficulté d'être" avec une tendresse exceptionnelle.


Seconde partie de la soirée. Sous une fausse insouciance c'est bien la tendresse qui domine dans le tour de chant d'Élise Caron accompagnée par le pianiste Denis Chouillet. Le mélo dit que l'amour ne peut être que spirituel, entendre l'intelligence du cœur. "Et mon cul c'est du Poulenc ?" avais-je écrit à la sublime divette en 1996 pour signifier l'enfance de l'art et du cochon. À l'écoute de son merveilleux récital j'ajouterais aujourd'hui les facéties de Jean Constantin, les mélodies de Michel Legrand ou l'influence toute contemporaine qu'Élise Caron semble avoir eu sur Camille. Autant de réminiscences déplacées qui nous embarquent pour un nouveau voyage orphique où il est dangereux de se retourner. Denis Chouillet, compagnon de scène depuis le début des années 90, sautille d'une main sur l'autre entre piano et électrique tandis que la chanteuse passe du clavier à la guitare. Le public en redemande. Au fond du Triton, des amoureux se roulent des pelles. C'est bon signe.

Deux autres représentations ce soir et demain samedi à 21h au Triton, Les Lilas.