Re:Voir publie Les saisons de Marcel Hanoun en un coffret de 4 DVD. Cinéaste expérimental, contemporain de la Nouvelle Vague et méconnu du grand public, Hanoun tourne dans un no man's land entre Godard et Robbe-Grillet, Bresson et Straub. Avec les premiers il ne partage pourtant nulle perversité, mais des seconds il possède la rigueur. Même si la bande-son et quelques photos se réfèrent à l'actualité, la poésie de L'été (1968) est résolument mâle, avec à la clef nudité, gros plans ou gambadage de fille dans la campagne.


Pour L'hiver (1969) Michael Lonsdale joue le rôle du réalisateur, qu'il feigne de filmer de la peinture ou des personnages féminins dans Bruges désert. Hanoun met ici plus explicitement son discours de la méthode en abyme. S'appuyant sur la rupture entre l'image et le son, la voix off et la musique classique envahissent le hors-champ. Des coups de zoom insistent sur l'importance du montage. La couleur fait son apparition, s'intercalant avec le noir et blanc. Cette dualité est à l'image des rapports homme-femme de ce second volet, mais le mâle ne peut s'empêcher de donner des leçons. Les femmes sont laissées pour compte et fleurette, des comédiennes. Ce n'est pas pire que chez la plupart de ses congénères, mais ici, comme chez Godard, les cassures permettent de voir et d'entendre, chose devenue rare au cinéma. J'ignore qui a influencé l'autre, mais il y a trop de coïncidences. Les langues et les pistes se superposent. Les acteurs, ayant souvent la bouche fermée tandis qu'off ils sont bavards, nous obligent à nous identifier à leurs pensées plutôt qu'à leurs actes.


Chaque nouvelle saison complexifie le dispositif, précisant le style de Marcel Hanoun sans se soucier du genre. La fiction y pénètre avec Le printemps (1970). Lonsdale encore, rare comédien à oser l'impossible en marge de films plus commerciaux. La fuite remplace la promenade, scandée en panoramiques heurtés. Le documentaire fait une apparition saignante. Montage parallèle de scènes de passage. De rites ? Les voix s'effacent devant la nature. Les règles d'une petite fille marquent définitivement l'arrivée du printemps.


Face à la caméra de Hanoun, Lonsdale, toujours, regarde son film dont on entend que la musique de Mahler. Ainsi commence L'automne (1972) avant que l'image ne disparaisse pendant un coup de téléphone. Tamia joue le rôle de la chef monteuse. Elle tient tête au réalisateur comme à son amant. Les mœurs ont évolué depuis quatre ans. (Je note avec amusement que si Tamia chantera avec notre Drame Musical Instantané après avoir été du Unit de Michel Portal, Lonsdale créera plus tard notre spectacle Buzzati). Les deux personnages évoquant le film virtuel qu'ils montent incarnent en fait le discours de Hanoun. Le contrechamp invisible devient le moteur de l'action. Je note encore que Tamia a des accents de Brigitte Bardot comme certaines phrases off des acteurs sonnent étonnamment godardiennes. La sexualité et la politique sont mises sur le grill, comme l'action et la parole révèlent notre impuissance. Avec cette dernière saison, Hanoun est entré dans le réel, celui de la fiction assumée.



→ Marcel Hanoun, Les saisons, coffret Re:Voir 4 DVD et un livre de 100 pages avec articles signés par Jean-Louis Bory, Dominique Noguez, Emeric de Lastens, André Cornand & Abraham Segal, Paola Melis, 49,99€