D’abord Django, le retour. Ma culpabilité me rongeait autant que les mulots s’attaquant à tout ce qui leur tombe sous la dent. Et Django qui n’en laissait plus aucun sur le carrelage du salon. Le matin au réveil j’avais pris l’habitude d’attraper ses cadeaux inanimés par la queue et les lancer le plus loin possible dans les fougères comme une fronde. Django qui ne fait jamais aucune bêtise avait déféqué trois fois sur le divan depuis notre arrivée. Je l’avais coursé jusqu’au premier étage, découvert ses cachettes les unes après les autres et fichu dehors. Il est probable qu’il n’ait pas fait la relation entre la punition et son origine tant la poursuite avait été pour lui traumatisante. Il avait disparu et ne répondait plus à nos appels. Rapatrié par l’appel du ventre, il nous fuyait comme si nous l’avions battu. Il a fallu le réapprivoiser petit à petit, patiemment. Il passe ses nuits à chasser et dort le jour sous un lit, à l’abri des mauvais coups ! Nous n’avons pas encore compris ce qui l’avait contrarié. Mais la contagion avait fini par nous atteindre. Pas au point de faire caca n’importe où, mais de ne pas savoir le rassurer. J’ai beau rejeté la culpabilité au profit de la responsabilité, la méthode Coué était inopérante. Je craignais aussi la présence du renard…


Mais le renard a suffisamment de campagnols à croquer pour ne pas s’attaquer au gros chat. L’hiver par contre, lorsqu’il faut nourrir ses petits, cela peut arriver. De leur côté, même s’ils sont redoutablement impressionnants, les vautours ne s’attaquent qu’aux animaux blessés et aux charognes. Il y a aussi le risque de la mort aux rats répandu par les voisins pour contrer cette année la prolifération de rongeurs qui s’attaquent aux granges. En notre absence une mulote avait même eu le toupet d’accoucher sur une de nos couettes. Nous n’avons pas ce genre de problème avec les biches et les cerfs qui sortent du bois le soir pour brouter sur la colline.


Le beau temps nous permet d’admirer la nature après une semaine dans la grisaille et, pire, un brouillard opaque qui nous plonge dans le coton. Quand tombe le rideau sur le théâtre millénaire il n’y a rien d’autre à faire qu’à bouquiner ou regarder des films. Après trois jours de ciel immaculé, nous passons à l’action météorologique. Les nuages jouent à saute-mouton avec le soleil, ils montent vers le ciel à la vitesse d’un cheval vapeur et se dissipent sous une gomme embuée. L’appareil-photo est toujours à portée de main. En regardant les images des années passées on voit que les neiges sont de moins en moins éternelles. Mon scénario de L’astre devient de plus en plus crédible. Il y a vingt ans personne ne voulait entendre parler de mon histoire de fin du monde, avec la Terre se rapprochant du Soleil…


Nous profitons de cette amélioration du temps pour nous promener sur la montagne avec Karine, Sacha et Jasmin. J’en prends le risque bien que la randonnée pentue me soit fortement déconseillée, pour mon dos, mes chevilles et mes genoux. Je ne peux pas rester à faire de la chaise longue, même si les polars de Michel Bussi me captivent. Alors je grimpe comme un cabri, l’objectif au poignet. Lorsque je me suis fixé un but, fut-il futile ou dément, je suis capable de me défoncer et me dézinguer, et je fonce tête baissée, le nez au vent, les oreilles dressées, tous mes sens en alerte. Sauf qu’après je paye les pots cassés. Il fallait nous voir, Christophe, David et moi les pieds plongés dans l’abreuvoir glacé. Le lendemain je fais de l’à-plat-dos pour éviter le lumbago qui toque à ma porte. Et je me replonge dans la lecture passionnante de Les fous du son de Laurent de Wilde dont je ne manquerai pas d’écrire les louanges à la rentrée de septembre lorsque je reprendrai mon blog pour de bon !


Pour clore le bestiaire et pour les gagas des chats, les autres nous prenant souvent pour des débiles, nous pouvons annoncer 240 grammes à leur neuvième jour pour chaque chaton dont le poil pourrait bien être moussu. Oulala est beaucoup plus tendre avec nous depuis qu’elle materne et Django nous refait de gros câlins veloutés, et des cadeaux morbides dont nous pourrions nous passer, surtout s’il les ramène des pâturages pour en perdre de vivants à l’intérieur !