Mon plus ancien souvenir de Norbert Aboudarham date d'il y a quarante ans. Arrivé en retard à moto à un concert du groupe Bratsch, auquel il participera une dizaine d'années jusqu'en 1984, il avait enfilé son accordéon et commencé à jouer, casqué et chaussé de ses moufles ! On ne s'étonnera donc pas que ce clown-physicien rédige un savoureux petit essai intitulé L'absurde au théâtre, après avoir déjà publié Le Burlesque au théâtre. S'appuyant sur le minimalisme rigoureux de Beckett (En attendant Godot) et l'accumulation anarchique d’objets chez Ionesco (Les Chaises), il en dévoile tout le suc, sans oublier les Marx Brothers dont j'avais oublié l'origine juive alsacienne, des cousins à moi en somme ! Pratiquant avec humour la digression et se référant aux didascalies de ces maîtres (les didascalies sont les instructions des auteurs à leurs interprètes), Aboudarham enseigne l'art du clown en comparant comique, burlesque et absurde. Cet outil pédagogique est un trésor d'astuces offert aux auteurs, metteurs en scène et comédiens qui préfèrent aborder le réel sous un angle plus réaliste que celui du formatage des idées. L'absurde révèle en effet les ressorts du monde en le prenant à rebrousse-poil, en le dynamitant, jouant des paradoxes et des contrastes que le contrôle social a besoin de gommer pour nous faire marcher au pas. En fin de fascicule l'auteur propose des exercices qui raviront les praticiens.

→ Norbert Aboudarham, L'absurde au théâtre, Ed. L'Entretemps, 9,25€