J'ai choisi cette photo ancienne de Victoria sous la neige, parce qu'elle me sera impossible à prendre lors de mon séjour en Roumanie ces prochains jours. Dana Diminescu m'en avait envoyé une douzaine, la plupart très récentes, histoire de me mettre un peu dans le bain avant mon départ. On remarquera au loin les monts Făgăraș (ou Alpes de Transylvanie), les plus hautes montagnes du pays. À gauche un mirador suggère une surveillance qui n'a rien d'anecdotique. Lorsqu'on fait une recherche sur cette ville utopique fondée en 1948 par les Soviétiques, Wikipédia livre des informations qu'il faut savoir déchiffrer : une usine chimique allemande y fonctionne pendant la Seconde Guerre mondiale. Après la guerre, l’usine devient une Sov-Rom (entreprise mixte soviéto-roumaine) dont les directeurs sont des Soviétiques. À ses débuts, Victoria a porté d’autres noms : Ucea Fabricii, Ucea Colonie et même Ucea Roșie (Ucea la Rouge). Depuis 1954, la ville porte son nom actuel. L'usine s'est appelée Combinatul Chimic I. V. Stalin, puis, après la déstalinisation, Combinatul Chimic Victoria. Après la chute du communisme en Roumanie et au début de la privatisation, le combinat fut divisé en deux grandes usines, S. C. Viromet S.A. et la R.A. Usine Chimique S.A. En 1995, furent jetées les bases d’une nouvelle usine chimique, au capital roumain et américain, la S.C. Virolite S.A., devenue Purolite S.A. Ces données sont capitales pour le travail qui nous attend là-bas, car l'utopie est vite devenue une dystopie, à l'image du pays tombé entre les mains de Nicolae Ceaușescu en 1974. Ce grand paranoïaque se faisait appeler « Conducător », « génie des Carpates » ou « Danube de la pensée » jusqu'à son exécution le 25 décembre 1989. Aujourd'hui la nature reprend ses droits sur les usines de Victoria qui avaient empoisonné la population. L'usine d'armement avait même explosé !
J'y pars donc humer l'atmosphère avec un petit magnétophone, les yeux et les oreilles grand ouverts. Mon projet est de réaliser un disque dont la structure serait calquée sur le livre de Dana auquel participe, entre autres, le graphiste Étienne Mineur. Mais il ne faut pas oublier que notre histoire se passe dans les Carpates où vivent ours bruns, loups et lynx, et que le Château de Bran, surnommé château de Dracula à cause de Vlad III l'Empaleur, est tout proche...
Encore faut-il que nous survivions au vol de la compagnie Blue Air, si j'en juge par les commentaires laissés par des voyageurs sur le site TripAdvisor !