Lorsqu'en décembre 1983 les Talking Heads jouèrent au Pantages Theatre à Hollywood, j'avais un peu délaissé le rock, et même le jazz, pour la musique contemporaine. J'étais passé totalement à côté du punk, préférant le free jazz qui réfléchissait la lutte des Afro-Américains. J'écoutais néanmoins de tout, mais ce mouvement me semblait passager, sorte de révolte œdipienne contre les aînés, à grands coups de provocations éructives. J'avais été séduit par MC5 ou les Stooges à leurs débuts, mais je restais attaché aux belles mélodies ou à des formes franchement plus radicales de restructuration du langage musical. L'énergie du punk s'exprimait au détriment d'autres composantes, me laissant penser que les adeptes de cette nouvelle branche évolueraient rapidement vers d'autres parties de l'arbre, que ce soient les racines ou les cimes. Les Talkinhg Heads glissèrent ainsi vers la new wave.
Comme souvent avec le rock et ses dérivés, j'ai toujours regretté que nous adoptions ces chansons sans en comprendre les paroles. Le DVD/Blu-Ray du film de Jonathan Demme sur le concert des Talking Heads n'offre hélas aucun sous-titre lorsque chante David Byrne, comme c'est la cas la plupart du temps avec les publications musicales vidéographiques. Il est probable que si nous comprenions le sens des paroles de nos idoles anglo-saxonnes nous serions souvent moins emballés. Est-ce qu'exceptionnellement le film Stop Making Sense justifie cette absence ? J'en doute. Le non-sens est un art de l'absurde, souvent comique, qui n'a rien à voir avec ce groupe new-yorkais, même à enfiler un costume trop grand pour donner l'illusion d'une tête toute petite !


Stop Making Sense est remarquablement filmé aux cours de trois concerts mythiques de la tournée Speaking in Tongues par Jonathan Demme. Je n'irai pas jusqu'à clamer, comme tous les journalistes recopiant gentiment le dossier de presse, que c'est "un sommet inégalé du genre". Une captation de concert quasi in extenso est toujours un peu laborieuse et ne rend jamais l'émotion du direct. Ce n'est ni Step Across The Border, ni Straight No Chaser, ni Gimme Shelter, ni même Woodstock ou Monterey Pop. La scénographie de David Byrne, sobre mais intelligemment évolutive, mâche certes le travail à Jonathan Demme. La restauration en haute définition est très belle, et s'y ajoutent une heure de conférence de presse lors du 15e anniversaire du film à San Francisco où les quatre membres du groupe répondent à Peter Scarlet, un petit auto-entretien humoristique de David Byrne avec David Byrne à propos de David Byrne, deux chansons absentes du film, un montage promotionnel et la bande-annonce. À propos de promotion, il semble que Carlotta ait passé un accord avec la Fnac pour diffuser en exclusivité une version contenant un intéressant livret de 36 pages illustré, écrit par Christophe Conte.

→ Jonathan Demme, Stop Making Sense, DVD/Blu-Ray Carlotta, 20€ ou 24,99€ le Mediabook exclusivité de la Fnac