Comme je travaille d'habitude chez moi, et beaucoup, je ne sens pas trop la différence avec le confinement obligatoire. La maison est grande, il ya un jardin et tout ce qu'il faut pour tenir un siège. J'ai imprimé l'attestation de déplacement obligatoire pour traverser la rue et risquer un échange verbal avec mes voisins. Mais je pense à celles et ceux qui vivent dans un 15m², seul ou hélas parfois nombreux. Si vous avez accès au toit, par un vasistas, un vélux ou en retirant quelques tuiles, c'est une manière sûre de prendre l'air et changer de point de vue.
Vous avez vraiment peu de chance d'infecter qui que ce soit, de prendre une contravention, d'y être intercepté par des types en armes ou les mêmes qui vous ont cassé la gueule lors des récentes manifestations. Leur présence m'inquiète. Je comprends qu'on refroidisse les kakous qui font prendre des risques à leurs congénères (entendez qu'on les calme, pas qu'on les fusille), mais je crains que la population s'habitue plus tard à croiser l'armée ou la police encore plus souvent que par le passé. Rencontrer des jeunes gens en uniforme avec une mitraillette en bandoulière m'a toujours plus angoissé que d'être victime d'un hypothétique attentat terroriste. S'ils sont là pour faire peur, c'est réussi, mais bizarre dans une société qui met en avant les concepts de liberté et de démocratie. De même que les mesures Vigipirate n'ont jamais été levées plus de vingt ans après leur instauration, je crains que notre gouvernement, qui laisse régulièrement le police braver la loi, prenne goût à nous laisser les treillis militaires quadriller nos rues. "Nous sommes en guerre", martèle le représentant élu des banques, manière de nous faire avaler les couleuvres. Déclarera-t-il un jour l'armistice ? Il semble surtout qu'il se la joue ! Plus tard, cela fera peut-être au moins un truc pas totalement négatif de son règne putride, mais cela ne rétablira jamais l'équilibre avec le saccage du service public vendu au privé, du système de santé, de la protection sociale, du soutien à la culture, ni avec la brutalité de la répression, l'incompétence de ses équipes, l'arrivisme de ses députés aux ordres, etc.
Donc on ne prend pas de risques en évitant de refiler le virus potentiellement assassin, mais on garde la tête froide face au déploiement de forces armées. À l'issue de cette période traumatisante, on constatera l'efficacité du dispositif et s'il était adéquat. Il est surtout important de protéger nos vieux et les personnes fragiles. On glissera donc les tranches de jambon sous la porte et on évitera les câlins avec les petits porteurs, bien que je doute que les plus jeunes comprennent pourquoi on les boude. Bonnes lectures, laissez vous porter par la musique, faites le ménage, il y a tant de choses à faire chez soi qu'on prétend ne jamais avoir le temps de résoudre... Et autant que vous le pouvez, prenez l'air, par le fenêtre ou les toits... Ce matin, un rouge-gorge est venu se poser à côté de moi, il s'est évidemment envolé, mais il m'accompagnera toute la journée...