Lorsqu'un disque, un film, un livre (qui plus est, un catalogue d'exposition), est publié, j'ai appris qu'il ne fallait pas attendre qu'il soit épuisé s'il me faisait vraiment envie. Fut un temps où je n'en avais pas les moyens et je ferai des années plus tard les bouquinistes jusqu'à ce que je retrouve l'objet tant convoité. Aujourd'hui il m'arrive d'arpenter eBay ou LeBonCoin à condition que sa cote ne l'ait pas rendu prohibitif... C'est pire avec les instruments de musique électroniques les plus bizarres, donc les plus inventifs : comme ils sont peu demandés, ils disparaissent très vite du marché avant même d'être tout à fait mis au point ! Pour le Boby Lapointe j'ai vérifié qu'il existe encore ici ou là...

Article du 30 juin 2007

À côté des centaines de VHS enregistrées sur les chaînes de télévision qui occupent la rangée de derrière sur mes étagères, j'ai conservé quelques éditions que je remplace au fur et à mesure des sorties DVD. Ainsi Le dévédé de Boby Lapointe, remasterisé comme il se doit (avec options sonores dont je ne vois pas vraiment l'intérêt : 5.1, DTS, stéréo), vient colorer un début d'été bien gris (c'est vrai, L'été où est-il ?). Ce n'est pas que Boby soit une bête de scène, loin de là, sa timidité ne lui permettant que de hocher la tête ou les épaules, mais une grande tendresse se dégage de sa prestation minimaliste. À le regarder si sobre, j'ai l'impression de redécouvrir ses jeux de mots ferroviaires (un sens peut en cacher un autre) que nous croyions connaître par cœur. Les réalisations s'améliorent un peu avec Jean-Christophe Averty (From Two to Two) et la couleur vient rehausser le ton de la deuxième version d'Aragon et Castille ou Saucisson de cheval n°1. C'est probablement la première fois que l'on peut apprécier son étonnant duo avec Anne Sylvestre (Depuis le temps) qui ne figurait sur aucun des 33 tours originaux et que je ne retrouve pas non plus sur les deux doubles rééditions, dites L'intégrale et En public.


Ce dernier CD, live tranche avec les clips vidéo tous en playback. Y figurent en plus quelques inédits savoureux : une pub refusée pour une crème dessert (Jockey, c'est pas mauvais !), Lena par Fernand Raynaud, La Youpi... Allez !, Toto le tigre, Georges Perec s'étranglant de rire en lisant le texte Grimace ratatinée en rime à grasse matinée...
Les suppléments du dévédé constitueront pour les fans son véritable intérêt : un documentaire de 52 minutes Comprend qui veut. Comprend qui peut, Boby chantant Bruant (À Montparnasse, Camomille, C'est nous les joyeux), plein de petites raretés comme Place du Parvis, Le tube de toilette avec au porte-voix Pierre Doris sous-titré et un orchestre de plateau, l'extrait de Tirez sur le pianiste, etc.


Les paroles ont été publiées par Encre en 1983, bouquin réédité par Domens en 2000, avec son système bibinaire. Comme Raymond Queneau, Boby Lapointe avait de sérieuses bases mathématiques. Son système s'inspirait déjà du binaire et de l'hexadécimal. Il s'éteint le 29 juin 1972. L'absence de crédits sur le DVD est choquante, on ignore les auteurs, les arrangeurs, les dates, les réalisateurs, aucun livret quand ne se glissent pas quelques erreurs. Ce n'est pas ainsi qu'on lutte en faveur des supports matériels. Le héros de Pézenas aurait mérité que l'éditeur fasse correctement son travail. Dommage !
C'est bon de rire et de sourire de temps en temps. Ça réchauffe, et puis ça détend, comme bailler ou faire des galipettes. L'un n'empêche pas l'autre. Là Youpi... Allez !