Dix ans ont passé depuis Bitter Sweets, le premier disque en duo d'Elise Caron et Edward Perraud, petite merveille souvent réécoutée, éventail arc-en-ciel, invention ping-pong, ce que l'une et l'autre font de mieux à mes yeux lorsqu'ils se laissent aller à pervertir avec amour les modèles. Les deux compositeurs-improvisateurs, condamnés à faire aussi bien, lorgnaient la perfection, là où les scories affichent les ordres du mérite. Ainsi le second a mis le temps, et voilà que, tout beau, tout chaud, sorti du four, d'un moule à gaufres saupoudrées de sucre glace, sort enfin Happy Collapse, évanouissement joyeux que connaissent les gastronomes et qu'ignorent les gastéropodes, aïe et merci.
Ce deuxième volume est plus posé, plus tendre, plus retenu, mais toujours aussi coloré et surprenant. Elise Caron chante, elle joue des rôles comme David Lynch lorsqu'il enregistre des disques, endossant des vêtements trop larges ou trop étroits, personnages enfermés dans leur statut d'albâtre. Elle chante merveilleusement, mais c'est son théâtre (musical) qui m'enchante. Quant à Edward Perraud, jamais aussi épatant que dans la liberté absolue, il orchestre plus qu'il ne frappe. À la batterie il ajoute guitare, électronique, claviers, harmonica tandis que sa comparse reprend la flûte avec bonheur. Je ne suis pas effondré, car je plane, descente de trip sans accroc, et quand le disque s'arrête, un goût de trop peu nous envahit.
Alors je ressors, monté sur, Bitter Sweet de sa pochette rose aux deux vaches. Puis je me repaye un tour de Happy Collapse dont la couvertoure montre deux cygnes nageant vers nous dans les lumières roses du soir. Si dans dix ans un troisième volume voit le jour, sera-t-il de cette charmante couleur ? Il faudra pourtant nous battre si nous voulons que nos rêves continuent à resplendir dans la beauté du son.

→ Elise Caron / Edward Perraud, Happy Collapse, CD Quark, dist. L'autre distribution, 13,99€, à paraître le 11 décembre 2020