On sait, peut-être, mon attachement au piano préparé, perversion de l'instrument consistant à changer le timbre et la hauteur de chaque note en glissant de petits objets entre les cordes. Passé au clavier numérique je me contente de clones informatiques comme celui, remarquable, de l'Ircam ou d'autres permettant des effets inédits, mais m'interdisant ce que font les pianistes que j'admire, tels Roberto Negro, Eve Risser, Benoît Delbecq, Sophie Agnel, Françoise Toullec... J'utilise également des programmes de claviers électriques préparés et c'est justement un CP70 sur lequel joue Thibault Walter avec son trio composé de Jean-Luc Ponthieux à la contrebasse et Pablo Cueco au zarb. Sa percussion à peau offre des variations de timbre qui répondent merveilleusement au pseudo gamelan du piano électrique Yamaha de Walter. Celui-ci revendique les entre-deux que ses préparations impliquent, les gammes perdant leur tempérament (contrairement aux musiciens !) et les rythmes adoptant le style de l'entre-soi où le swing hérite de ces magnifiques à-peu-près. Je n'ai pas tenté de déchiffrer les 11 anagrammes que les titres secrètent, mais ces RER lointain, Ralenti noir, Arme outrancière, Apre énigme, Tribu, Remontage caduc, Sages renommées, Pagnol dégraisse, Le seul snob, Test O.R.L. quantique, Un requiem est rempart nous font déjà voyager avec une grande délicatesse sans qu'il soit besoin d'alourdir notre catastrophique bilan carbone en prenant l'avion.

→ Thibault Walter Trio, Le seul snob, CD Élément 124, dist. Inouïes, 15,70€, sortie le 3 septembre 2021