Si j'ai quelques réserves sur le film de Paul Verhoeven, en particulier les dialogues que je n'ai pas trouvés à la hauteur du reste, j'ai lu avec le plus grand intérêt le livre qu'Olivier Père lui consacre. Les deux sont intimement liés puisqu'ils forment un tout sous le coffret Ultra Collector publié par Carlotta, éditeur spécialiste DVD/Blu-Ray de la cinéphilie. Outre les suppléments vidéo, entretiens avec le réalisateur ainsi que le scénariste Gerard Soeteman et le compositeur Basil Poledouris, le livre de 160 pages où sont insérés DVD et Blu-Ray est illustré de 40 photos d'archives dont celles du tournage prises par François Cognard. Cette luxueuse édition est la 22ième après Body Double, L'année du dragon, Little Big Man, Phantom of the Paradise, Profession : Reporter, La dame de Shanghaï, Network, Crash, Pandora, etc. À tirage limité, ces coffrets sont souvent vite épuisés, et je constate sur le site de Carlotta que c'est déjà le cas de La chair et le sang alors qu'il est sorti le 19 avril. Le film est toujours disponible en version single, DVD ou Blu-Ray, mais j'ignore comment se procurer le texte d'Olivier Père qui aborde à la fois Paul Verhoeven, son œuvre en général et cette étonnante évocation médiévale. C'est vraiment dommage, parce que le journaliste lève de nombreuses ambiguïtés dont le cinéaste néerlandais est victime.


J'avoue n'avoir repéré l'humour incisif de Verhoeven qu'il y a vingt ans en l'écoutant commenter Starship Troopers. Depuis je ne peux voir ses films autrement, un peu comme ceux de Luis Buñuel, référence de Verhoeven avec Eisenstein, Bergman et Hitchcock. Il emprunte au premier son absence de jugement et sa critique de la religion, au second les mouvements de caméra et le montage, au troisième la lumière et la noirceur, au dernier le suspense évidemment. Comme Samuel Fuller, Verhoeven est souvent compris à l'envers de ses intentions, lorsqu'il dénonce la violence en la montrant cruellement crue. Sa mise en scène de l'érotisme procède des mêmes contradictions, contradictions inhérentes au désir. Il interroge les pulsions des êtres humains plus qu'il n'impose une lecture unilatérale. Ses comédiennes incarnent des femmes fortes, certes prêtes à tout pour sauver leur vie, alors que ses personnages masculins sont généralement suicidaires. Tous ses films mêlent une étude précise des circonstances et une fantaisie poussant le scénario à l'extrême. En cette fin de période médiévale il invente la guerre bactériologique ou s'inspire des croquis de Léonard de Vinci pour ses machines de guerre. Il y aurait beaucoup à dire sur Flesh and Blood qui marque la charnière entre ses six films néerlandais et sa période américaine, sorte de prémisse à Game of Thrones, mais je m'autorise seulement quelques mots en regard du livre d'Olivier Père... RoboCop, Total Recall, Basic Instinct, Showgirls, Starship Troopers, Black Book sont des films qui m'ont surpris chaque fois que je les ai revus. Je ne suis pas certain d'avoir le même sentiment avec Elle et Benedetta, mais qui sait ? Verhoeven est un immense provocateur.