Hier j'évoquai Gilbert Garcin mort à 90 ans. La même année, le 4 novembre 2009, je saluai un autre homme, disparu centenaire. Ces capitaines m'ont offert de voyager loin.
Sous ma latitude le temps est gris. Cent ans de solitude. L'homme est toujours seul. Nous le croisions souvent le matin rue des Marronniers en allant à l'Idhec monter nos films. Il marchait doucement sur le trottoir d'en face. Le Théâtre du Ranelagh avait brûlé, nous expulsant de la rue des Vignes pour installer nos tables au-dessus du jardin de Madame Claude. En 1973, il ressemblait déjà à un vieux monsieur. Cela nous faisait drôle de voir passer cette bibliothèque qui ne payait pas de mine dans son imperméable crème. Personne n'a jamais traversé. Il passait. Doucement. Et il pensait. Les anthropologues ont souvent besoin d'aller voir ailleurs s'ils y sont pour comprendre ce qui résiste dans leur quartier. Sa discrétion l'a suivi. Ses obsèques ont eu lieu avant l'annonce de sa mort. Claude Lévi-Strauss m'a le premier fait prendre conscience que rien de social n'est inéluctable et il m'a permis de remonter le temps en voyageant dans l'espace...