Me voilà bien ! Je me demande quelle contrariété est venue bousculer mon bel équilibre. En quelques heures se sont réveillés mon genou, mon épaule, ma cruralgie et le pouce de ma main droite. Si tous sont du même côté, c'est qu'ils sont probablement liés. En réfléchissant un bon coup et en m'aidant du tapis de fleurs et du pistolet masseur, j'ai repris le dessus sur ces dysfonctionnements. Presque tous. Récalcitrant, le pouce, qui semblait pratiquement guéri, m'a empêché de dormir toute une nuit. J'ai fini par avaler deux gélules du cocktail Tramadol-Paracétamol. J'ai enfilé l'attèle qui m'avait servi il y a quelques mois et j'ai rebranché la souris verticale. La douleur s'est à peu près volatilisée, mais j'ai tout de même pris rendez-vous chez un spécialiste de la main. Cela fait des mois que je me bats contre un pouce d'abord gâchette, passé à un écart moindre que celui qui me permettait de faire des accords larges sur les claviers pianos. Avant-hier je n'avais plus de pince, "le pouce préhenseur" qu'évoque Furtado dans son sublime court métrage, L'île aux fleurs. Heureusement il me restait "l'encéphalogramme hautement développé" qui, d'après lui, caractérise les êtres humains. J'en fais donc partie. Cela me rassure à moitié. Étrange espèce qui marche sur la tête en se croyant debout.
Didier est passé avec de l'armoise, que les acuponcteurs chinois appellent moxa. Cela chauffait du tonnerre. J'ai tenu bon face à la chaleur de la braise près de ma peau. Je suis inquiet, car je ne suis pas ambidextre. Seule ma main droite sait faire des prouesses. Il fallait me voir lisser le joint silicone de la douche, énervé par ce double handicap. Méconnaissable, paraît-il. Je m'interroge maintenant sur mon côté gauche. Mon gros orteil, mon petit orteil, mon œil gauche... Mon père appelait cela "numéroter ses abattis". Pourrait-on fabriquer la moitié d'un homme neuf en prenant le meilleur des deux côtés ? Ma question est idiote, nous avons évidemment besoin de tous nos sens, organes, membres, j'ajouterais bien les amis et les amours, pour avancer correctement, pour vivre. Vivre, c'est une idée qui me plaît. Comme faire du neuf avec du vieux. Vous me voyez venir ?