J'ai d'abord entendu Lila Bazooka en concert au Comptoir de Fontenay. Je connaissais Sophie Bernado, entre autres pour avoir enregistré l'album Arlequin et le concert Défis de prononciation en trio avec elle et la vibraphoniste Linda Edsjö. Auparavant je l'avais découverte au sein de l'ensemble Art Sonic et entendu plus tard avec L'arbre rouge ou le White Desert Orchestra. J'ai toujours aimé les bois et particulièrement le basson, instrument hélas peu courant dans l'histoire de la musique improvisée. Je ne suis capable de citer que Lindsay Cooper et Youenn Le Berre dont ce n'était pas l'instrument principal, mais avec qui j'ai eu la chance de travailler. Sophie Bernado est avant tout bassoniste, même si elle chante comme ici, ou fait du Beat Box ailleurs. J'avais également repéré l'ingénieure du son Céline Grangey dans de multiples disques où le son magnifiait la musique. Or les voilà réunies au sein du duo Lila Bazooka, sorte de solo enveloppé.


Tandis que Sophie Bernado souffle et appuie sur ses pédales d'effets Céline Grangey triture le son sur son ordinateur, diffuse des field recordings ou des séquences électroniques. La musique est à la fois grave et aérienne. Le drone plane au dessus de la mêlée. Les boucles d'anche double tournent en derviche, s'accumulant les unes sur les autres. Les paysages japonais qui donnent son titre à l'album, Arashiyama, défilent comme à la fenêtre du Shinkansen, même si ce train ne passe pas devant ce lieu-dit proche de Kyoto et si la vitesse du son est ici celle de la méditation. Ni 300 mètres par seconde, ni 300 km à l'heure. Juste le temps qu'il faut pour se laisser porter par le rêve. Elles y ont tout de même séjourné. Sur deux pièces, Ko Ishikawa les rejoint au sho, l'orgue à bouche japonais. Voilà près d'un demi-siècle que je passe mes instruments acoustiques à la moulinette des effets électroniques et ce en direct, mais je n'ai que deux mains, deux pieds et une bouche. Je reconnais forcément certaines de mes tourneries, mais c'est un véritable plaisir d'apprécier le jeu à quatre mains des deux musiciennes. Céline travaille le bas-son de Sophie avec une grande finesse, privilégiant les passages lents et progressifs. Leur complicité est essentielle. Sophie peut se concentrer sur son anche. Solo ou duo, je ne sais pas, mais Lila Bazooka fonctionne à merveille.

→ Lila Bazooka, Arashiyama, CD Ayler Records, dist. Orkhêstra (12€ sur Bandcamp, 9€ en numérique)