En découvrant Eastern Spring, le second album de Madeleine & Salomon, j'ai eu envie de réécouter le précédent, A Woman's Journey, que j'avais glissé dans ma discothèque. De plus en plus souvent, j'avoue ne conserver que les disques qui m'ont véritablement marqué et je ne sais pas quoi faire des autres que je me refuse de vendre et qui encombrent d'autres rayonnages, certes perchés loin des yeux. Ce faisant, je me souviens tout à coup que ma grand-mère maternelle s'appelait Madeleine Salomon. Il suffit parfois d'un signe pour que l'oreille s'affûte et que des évidences germent. Pourtant aucun des protagonistes de ce duo ne se nomme ni Madeleine, ni Salomon. Alexandre Saada accompagne au piano la chanteuse Clotilde Rulland. Il fait de temps en temps la seconde voix, elle joue de la flûte, leur ingénieur du son, Jean-Paul Gonnod ajoute ça et là quelques discrets effets. Comme sur le premier disque paru il y a six ans, Clotilde et Alexandre assument conjointement les arrangements.


Si ce nouvel album rend hommage à la pop orientale et militante des années 1960-1970, pépites pour la plupart inconnues en Occident, on y reconnaît certaines intonations du précédent consacré aux grandes figures féminines engagées de la chanson américaine. Leur enthousiasme révolutionnaire y est pour quelque chose. Il leur donne une fougue qui vient des profondeurs de l'âme, une soif de justice qui donne de la voix. Les fantômes de Nina Simone, Billie Holiday, Elaine Brown, Janis Joplin, Josephine Baker, Joan Baez hantent ce nouvel opus qui pourtant convoque un classique contestataire libanais (Matar Naem sur un texte du Palestinien Mahmoud Darwich associé à la Bendaly Family), un hymne de la pop iranienne (Komakam Kon combiné avec Howl d'Allen Ginsberg), une mélodie égyptienne (Ma Fatsh Leah), d'autres de Tunisie (De l'Orient à l'Orion), Turquie (le rock anatolien Ince Ince Bir Kar Yağar), Maroc (Lili Twil), Israel (Layil)... J'entends d'ailleurs aussi des inflexions me rappelant mes chansons préférées de Yael Naïm, ou celles de Julie Driscoll-Tippett. Tout cela est traduit en anglais, sauf de rares classiques en français. Alors je remets sur la platine A Woman's Journey que je redécouvre et comprends pourquoi je l'avais gardé. La même ferveur, encore une fois, dans la voix, mais aussi au piano qui soutient le texte avec autant d'entrain que de délicatesse.

→ Madeleine & Salomon, Eastern Spring, CD Tzig'Art, dist./ Socadisc, sortie le 30 septembre 2022