Deux CD enregistrés à Berlin les 14, 16 et 17 février 2022 au Topsi Pohl. Je ne suis jamais allé à Berlin, mais c'était une des capitales que fréquentaient les jazzmen américains dans les années 60 quand ils n'étaient pas à Paris ou Stockholm. À New York, ou pire dans une ville plus industrielle, ils crevaient la dalle, et restaient des nègres. En Europe les salaires étaient plus décents. Et puis ici on fantasmait le swing, l'improvisation, le free, la great black music. J'ai souvent du mal avec les clones d'aujourd'hui qui aiment ce qu'ils font sans connaître les origines de ce qu'ils jouent. Les notes y sont, même les bleues, mais il manque souvent l'essence, le sens, la nécessité absolue, la révolte.
Et puis débarquent Die Hochstapler, ce qui signifie les imposteurs ! Comme les autodidactes qui se sentent usurpateurs, ce quartet franco-ialien-allemand sait bien qu'il y a un océan à demi séculaire entre eux et les fondateurs. Alors ils ont fouillé la mémoire collective pour sortir vingt-cinq morceaux des premier et troisième jours, et deux longs du second, où Charles Mingus, Ornette Coleman et l'Art Ensemble ont semé des graines qui ont fini par germer. Question de complicité forcément, c'est un jeu entre eux et les anciens. Le saxophoniste alto Pierre Borel, le trompettiste Louis Laurain, le contrebassiste Antonio Borghini et le batteur Hannes Lingens font bouger les jambes sans qu'on y pense, et puis stop, silence, et ça reprend de plus belle. Quand tout à coup Laurain se met à chanter, on revient de loin. Mais ça repart aussitôt, plein d'entrain. Comme une fanfare de potes, un marching band désarticulé qui avance inexorablement, sur un pied, sur deux, sur trois... Le jazz ne permet pas de marcher au pas, il danse.

→ Die Hochstapler, Beauty Lies, CD Umlaut, dist. Socadisc, sortie le 15 septembre 2022
→ Die Hochstapler, Within, CD Umlaut, dist. Socadisc, sortie le 15 septembre 2022