Dès Chien chien, le second index de l'album Ici du groupe No Tongues, je me suis dit que Jean-Jacques Annaud devrait remixer sa Guerre du feu avec leurs rituels intemporels. En 1981 le réalisateur avait désiré être le plus "préhistorique" possible, mais il avait eu l'idée saugrenue de le faire accompagner du début à la fin par la musique de Philippe Sarde interprétée par le London Symphonic Orchestra au grand complet, probablement pensant lui donner un souffle épique. Ce n'était pas la seule idée absurde du film, mais ça valait son pesant de mammouth.
Si les sources de No Tongues sont de toutes les époques, y compris la nôtre, l'aspect rituel est prépondérant. Leurs mélanges inventifs d'instruments et de field recordings sont très variés, "et puis, il y a les voix !" comme me susurrait à l'oreille Jean-Pierre Léaud, complètement perché un soir que nous rentrions de la Coupole où Jean-André nous avait invités. Les Suédoises Linda Oláh et Isabel Sörling, la Bretonne Elsa Corre et l'Italien Loup Uberto sont donc venu/e/s renforcer ici et là la puissance des évocations où l'ethnomusicologie est conjuguée au présent.


Sur la pochette ils annoncent le son de la bruine sur le velux, un feu de printemps à la Caillère, les carillons du jardin cinéraire du Bono, le bibip du téléphone paw patrol, un jogger, un robinet, les abeilles de Patrick, le four avant la pizza, un TGV, des voix d'enfants, une ponceuse à bande, les gouttes polyrythmiques d'un pull qui s'égoutte, etc. Mais Alan Regardin est à la trompette, Ronan Courty et Ronan Prual aux contrabasses, Matthieu Prual au sax et à la clarinette basse. Un orchestre soudé qui fait corps. "Et puis il y a les voix", celles qu'on entend et celles que l'on devine...

→ No Tongues, Ici, labels Omo/Pagans/Carton Records, CD 12€ / LP 20€ / Téléchargement 5€, sortie le 4 novembre 2022