Très toxique est le dernier vinyle à paraître très prochainement sur le label GRRR, mais le premier chronologiquement pour Un Drame Musical Instantané, puisqu'il fut enregistré le 21 décembre 1976, soit trois semaines avant l'album Trop d'adrénaline nuit. Sur la face A, la pièce éponyme dure 19 minutes et la face B était lisse comme un miroir noir avant que j'y colle une magnifique reproduction de 22,5 x 15 cm d'une image que j'avais réalisée en 1969 ! Elle répond à celle, de la même taille, qui orne la pochette noire du disque. L'une et l'autre sont des agrandissements d'un film de celluloïd noir imbibé de copolymères de polyvinylpyrrolidone et d'acétate de polyvinyle auxquels j'avais mis brièvement le feu. J'ai réalisé l'intégralité de la pochette à la main, pas seulement en y collant ces deux tirés-à-part issus du Light Book imprimé en 1971 par l'Imprimerie Union, mais parce que j'ai écrit tous les textes au crayon gras blanc, recto et verso, plus le macaron central du disque. Il me faudra trois ou quatre jours pour boucler tous les éléments graphiques des 85 exemplaires de ce vinyle mono-face. ils sont évidemment numérotés et signés. Tout ce travail peut sembler un peu délirant, considérant que l'objet sera vendu seulement 15 euros par Dizonord, mais c'est si agréable de fabriquer de beaux objets, à l'image de la musique que j'ai évoquée précédemment.

Très toxique figure en effet sur le très récent vinyle Toxic Rice du label allemand Psych.KG avec sur l'autre face une pièce très Fluxus du Kommissar Hjuler und Frau. La raison du presseur Matter of Fact pour laquelle ces 85 exemplaires se retrouvent amputés de l'autre face m'échappe totalement, mais avec Xavier Ehretsmann (auteur de la photo) nous avons sauté sur l'occasion alors que trois des vinyles du Drame se vendent actuellement comme des petits pains, distribués par The Pusher. Il s'agit de Rideau !, À travail égal salaire égal et Les bons contes font les bons amis, tous trois comme les autres LP du Drame également ressortis pour la première fois en CD sur le label autrichien Klang Galerie. On peut d'ailleurs aussi trouver ces disques et l'édition allemande Toxic Rice au Souffle Continu, autre excellent disquaire parisien.

L'enthousiasme provoqué par l'écoute de Très toxique est l'autre motivation à produire cet album très particulier et à consacrer autant de temps à sa présentation graphique. Francis Gorgé est à la guitare électrique. Bernard Vitet joue de la percussion, des appeaux, du sax alto, de la trompette à anche, du violon et du frein. Je tiens le synthétiseur, un ARP 2600, diffuse des extraits radiophoniques, télévisuels et cinématographiques sur un cassettophone, passe au sax alto, à la flûte, aux trompes, à la percussion, à la guitare, à la mandoline et au frein ! L'aboiement est aussi live que le reste, que j'avais enregistré en 2 pistes et mixé en direct au Studio GRRR situé alors dans la cave du 7 rue de l'Espérance dont l'entrée donnait sur la Place de la Butte aux Cailles. C'était aussi le lieu où je vivais. Une version beaucoup plus longue (32 minutes, index 9) figure dans l'album des Poisons qui dure 24 heures !! Là j'ai mis deux points d'exclamation, parce que seule la musique en ligne offre de telles folies. La qualité de la reproduction sur vinyle et de son nouveau master a justifié le raccourcissement à 19 minutes. Il n'est pas facile de trouver des pièces qui rentrent dans le gabarit d'une face de 33 tours 30 cm, car à cette époque nous jouions sans interruption, intégrant les coups de fil (le téléphone était souvent branché sur la table de mixage), les visites impromptues, les silences où l'un d'entre nous continuait pendant que les deux autres réinstallaient leurs nouveaux instruments, etc. Certaines pièces consistent en d'incroyables mélodrames. L'ensemble était censé refléter notre quotidien transposé en musique, improvisé sur nos instruments avec la même sincérité que le réel, celui de la poésie, puisque nous ne faisions et n'avons jamais fait de séparation entre la fiction et le documentaire.