Dans le film de 1936 de Robert Siodmak, "Le chemin de Rio", dont on entend des bribes dans le premier disque d'Un Drame Musical Instantané, "Trop d'adrénaline nuit", enregistré en 1977, Marcel Dalio fait ses "compliments !" à Jules Berry qui lui répond "Vous me décorez...". Dialogue cynique de part et d'autre puisqu'il s'agit, si je me souviens, de traite des blanches !
J'entends que les artistes apprécient les compliments, or ce n'est pas la question. La plupart vivent dans le doute et font mine d'être forts pour arriver à continuer, avec le besoin d'être rassurés. Un de mes amis clame haut et fort qu'il est génial avant d'éclater d'un rire rabelaisien. Si un admirateur lui déclare qu'il est génial, mon camarade risque tout bonnement la larme à l'œil. Hypersensible camouflé en frimeur, il préfère rigoler que pleurer. Le compliment est un terme trop flou pour que l'on sache s'il est feint ou réel. Les artistes n'ont pas besoin de félicitations pour travailler, car elles arrivent en fin de parcours lorsque tout est terminé. Par contre les encouragements sont indispensables à la bonne marche des affaires. Si l'encours est délicat, la félicité n'existe pas pour l'artiste dont l'insatisfaction perpétuelle est garante de sa créativité.

Article du 6 juillet 2010
Photo : Pierre Oscar Lévy