S'il est plus encourageant d'être que d'avoir été, il est tout de même rudement agréable de voir aujourd'hui chroniquer des disques enregistrés il y a quarante ans comme s'ils étaient d'actualité. C'est ce qui arrive ce matin avec l'article de Franpi Barriaux, sur l'indispensable site Citizen Jazz, à propos de l'édition en CD de l'album Les bons contes font les bons amis du groupe Un Drame Musical Instantané que nous dirigions alors à trois avec Francis Gorgé et Bernard Vitet. Le label autrichien Klang Galerie avait déjà publié les versions CD des autres vinyles du Drame, à savoir Rideau ! (déjà épuisé), À travail égal salaire égal, L'homme à la caméra et Carnage. Il restait celui-ci (enregistré en public), puisque GRRR avait déjà sorti le premier, Trop d'adrénaline nuit. Walter Robotka puisera dorénavant dans les inédits, comme il l'avait fait avec Rendez-vous, mon duo avec Hélène Sage. À noter que ces rééditions (donc chaque fois la première en CD) sont toutes agrémentées de bonus inédits, ici une seconde version de Ne pas être admiré, être cru, le lendemain de la création, qui permet d'appréhender la liberté d'interprétation des quinze musiciens de ce "grand orchestre" face à ce qui était fixé dans la partition.

Un Drame Musical Instantané
Les Bons Contes font les bons amis

par Franpi Barriaux // Publié le 16 avril 2023

Les ressorties épisodiques des disques des années 80 d’Un Drame Musical Instantané (UDMI) par le label autrichien Klang Galerie nous ont habitués à renouer avec l’inventivité et le sens de la narration de Jean-Jacques Birgé, Bernard Vitet et Francis Gorgé. Souvent théâtralisée, la musique d’UDMI appelle l’histoire, presque de manière opératique, à l’instar de Rideau ! ou de Carnage, que nous avions évoqués. Paradoxalement, alors que le titre en est Les Bons Contes font les bons amis, ce disque de 1983 est sans doute moins linéaire que d’autres. Un film choral, ou une multiplication de saynètes… L’occasion surtout de réunir sur scène, à Montreuil, une belle brochette de compagnons de route du trio, du violoncelle de Didier Petit aux anches de Jean Querlier.

C’est la profusion qui surprend ici. Le nombre de musiciens présents, qui peuvent être jusqu’à quinze sur scène à servir une musique complexe et très contemporaine. Le nombre d’idées versatiles aussi. Ainsi « Ne pas être admiré, être cru », où une ligne de soufflants construisent des lignes extrêmement sophistiquées (remarquable Patrice Petitdidider au cor) peut être chamboulé en un instant par une explosion de guitare de Gorgé. Plus loin, un chœur improvisé est bousculé par Bernard Vitet et troqué contre les flûtes d’Hélène Sage. Davantage peut-être que sur les précédentes ressorties, ce disque exploite une veine zappaïenne, tant dans l’esthétique que dans ce choix de rester dérangeant et de prendre à revers, laissant l’auditeur aux aguets.

Les Bons Contes font les bons amis est un film sans images sur les rêves, doux paradoxe. Du moins une évocation très imaginée comme l’orchestre sait en produire. Tout l’onirisme du monde n’est pas fait de licornes et de marshmallows : ce que visite UDMI, ce sont davantage les songes répétitifs et les seuils de cauchemars, à commencer par la cornemuse de Youenn Le Berre dans le très beau « Sacra Matao » qui souligne le sens orchestral de la formation. Avec sa reprise alternative de « Ne pas être admiré, être cru » qui permet de juger du travail extrêmement rigoureux des musiciens, Birgé et ses amis nous proposent un disque qui met du temps à révéler ses secrets mais fascine à plus d’un titre.



P.S. de JJB : Depuis la publication de l'extrait ci-dessus sur YouTube, par j'ignore qui et reproduit en bas de l'article sur Citizen Jazz, l'album a été entièrement remasterisé. Je ne peux pas m'empêcher non plus de signaler tous les participants à cette fantastique aventure :
Jean-Jacques Birgé synthétiseur PPG, piano, trompette, trompette à anche, flûte, guimbarde, inanga, percussion, bandes, voix, direction / Bernard Vitet bugle, trompette à anche, voix, direction / Francis Gorgé guitares électrique & classique, direction / Hélène Sage flûtes, bouilloire, percussion, voix / Jean Querlier hautbois, cor anglais, flûte, sax alto / Youenn Le Berre basson, flûtes, sax ténor sax, cornemuse / Patrice Petitdidier cor, cor de poste / Philippe Legris tuba / Jacques Marugg marimba, vibraphone, timbales / Gérard Siracusa percussion, cloches, direction / Bruno Girard violon / Nathalie Baudoin alto / Didier Petit violoncelle / Hélène Bass violoncelle / Geneviève Cabannes contrebasse... Et l'étonnante pochette est de Jean Bruller (plus connu sous le nom de Vercors).