Depuis quelque temps Carlotta publie des séries B, films dits d'exploitation, d'action ou d'épouvante, en plus des grands classiques de la cinéphilie dont il s'est fait en France le spécialiste. L'éditeur soigne chaque fois la présentation, que ce soit dans l'ajout de passionnants bonus ou dans la présentation des emballages. Certains DVD ou Blu-Rays sont ainsi insérés dans de volumineux livres luxueux, d'autres accompagnés de memorabilia, d'autres sous boîtier métal, etc. Les ventes d'objets physiques se raréfiant au profit du téléchargement et surtout des sites de streaming, Carlotta mise donc sur des produits de niche qui attirent les aficionados et les collectionneurs. J'avoue avoir parfois du mal à regarder ces films mineurs alors que je suis tiraillé entre la découverte des pépites du passé et les sorties contemporaines.
Pourtant j'ai été emballé par le film de gangsters Du rouge pour un truand (The Lady in Red) de Lewis Teague dont l'héroïne interprétée par Pamela Sue Martin tire son épingle du jeu, traversant la grande dépression de l’Amérique des années 1930 en étant successivement couturière, danseuse, prostituée et serveuse, jusqu'à la prison et sa liaison avec le célèbre Dillinger. Le film prend évidemment quelques libertés avec la réalité, en particulier un glissement de personnage en ce qui concerne la femme en rouge qui était en fait la mère maquerelle. Produit par Julie Corman (épouse de Roger Corman), le film a la particularité d'être accompagné par la première musique de James Horner, et les acteurs Robert Conrad (James West dans la série Les mystères de l'ouest) et Louise Fletcher (l'infirmière de Vol au-dessus d'un nid de coucous). Mais il doit surtout son originalité au scénario de John Sayles qui avait déjà écrit Piranhas pour Joe Dante, génial pastiche des Dents de la mer qui m'avait fait éclater de rire. Jonathan Buchsbaum m'indique alors le film suivant du tandem League-Sayles, Alligator que j'avais momentanément laissé de côté.
Je n'ai jamais été fan des films d'épouvante, même si mon père m'emmenait aux séances du samedi minuit au Napoléon, avenue de la Grande armée. Je me souviens qu'à la projection de La Vierge de Nuremberg les spectateurs du balcon n'arrêtaient pas de lancer des quolibets pour se rassurer. Ce soir-là mon père m'avait présenté à Jeanne Moreau qui faisait la queue avec deux petits minets. J'étais gêné, car je le prenais un peu pour un ringard qui avait quitté le métier. Mais pour un gamin de quinze ans cette sortie était une véritable aventure.
Et là encore je suis conquis par le scénario d'Alligator (1980) qui est plus un film de monstres qu'un film d'horreur, avec un humour corrosif distillé par John Sayles, un homme de la gauche américaine qui passera plus tard à la réalisation avec Return of the Secaucus 7, The Brother from Another Planet, Matewan, Lone Star, tous toujours intéressants. On ne compte plus le nombre de flics qui se font dévorés tout crus. Comme avec The Lady in Red, les rebondissements et les détails astucieux vont bon train. Alligator s'appuie cette fois sur une légende urbaine : des reptiles rejetés dans les égouts de New York auraient muté après avoir ingurgité des hormones produites par l'industrie pharmaceutique. Les bonus révèlent, entre autres, les trucages astucieux quoique sommaires.
La mutation de 1991 d'Alligator est hélas un remake totalement nul, et Cujo un film d'épouvante assez banal de Lewis Teague de 1983, l'adaptation d'un best-seller de Stephen King équivalant à un régime sans Sayles !

→ Lewis Teague, Du rouge pour un truand (The Lady in Red), Blu-Ray Carlotta, 20€
→ Lewis Teague, L'incroyable Alligator / Jon Hess, Alligator II : La mutation, 2 Blu-Ray ou 4K Carlotta, 35€
→ Lewis Teague, Cujo, DVD / Blu-Ray Carlotta, 20€