J'aurais préféré rédiger ce billet après avoir tout regardé, mais 18 films d'à peu près une heure, et de cette qualité, ne peuvent pas s'avaler comme une saison de 24 heures chrono. Chaque film de la série Cinéma, de notre temps a pour sujet un réalisateur et pour auteur un autre réalisateur. Pour vous mettre en haleine, une liste, simple, efficace, dans l'ordre d'apparition :
- Chantal Akerman de Chantal Akerman
- John Cassavetes de André S.Labarthe et Hubert Knapp
- Alain Cavalier, 7 chapitres, 5 jours, 2 pièces-cuisine de Jean-Pierre Limosin
- Oliveira l'architecte de Paulo Rocha
- Abel Ferrara : Not Guilty de Rafi Pitts
- Philippe Garrel, portrait d'un artiste de Françoise Etchegaray
- HHH, Portrait de Hou Hsiao-Hsien de Olivier Assayas
- Shohei Imamura, le libre penseur de Paulo Rocha
- Aki Kaurismäki de Guy Girard
- Abbas Kiarostami, vérités et songes de Jean-Pierre Limosin
- Takeshi Kitano, l'imprévisible de Jean-Pierre Limosin
- Citizen Ken Loach de Karim Dridi
- Norman McLaren de André S.Labarthe
- Eric Rohmer, preuves à l'appui de André S.Labarthe
- Mosso Mosso (Jean Rouch comme si...) de Jean-André Fieschi
- Danièle Huillet, Jean-Marie Straub, cinéastes de Pedro Costa
- Andrei Tarkovski, une journée d'Andreï Arsenevitch de Chris Marker









Après le jeu du qui est qui ?, rappel des faits. En 1964, Janine Bazin, petit brin de femme montée sur ressorts, et André S. Labarthe, feutre et clope pendante, produisent la meilleure émission sur le cinéma qu'a jamais connue la télévision, Cinéastes de notre temps. Dans les années 70 je découvre ainsi la Première Vague (Delluc, Dulac, L’Herbier, Gance et mon préféré, Jean Epstein, par Noel Burch et Jean-André Fieschi), je vois le Cassavetes en même temps que Shadows, ce qui me donnera des clefs pour improviser. Je me souviens du Fuller monté comme un de ses films chocs (jamais pu voir Verboten depuis), Josef von Sternberg, d'un silence l'autre d'André Labarthe avec la participation de Claude Ollier (Sternberg avait refait la lumière pour s'éclairer lui-même), John Ford, entre chien et loup, l'amiral sourd comme un pot face à Labarthe hurlant et à Hubert Knapp, ou Pasolini l'enragé de Fieschi, fabuleux entretien en français. Je comprends la dimension du poète. Ces "making of" sont des leçons de cinéma incomparables. Pour une fois, on pourrait écrire sans se tromper "making off". "Faire, hors champ". Ils transmettent le savoir et la passion. Après une interruption de 17 ans, la série repart en 1989 sous le nom actuel de Cinéma, de notre temps. Plus de 80 films en tout ; la liste du livret est étonnamment incomplète. Seulement cinq femmes, Akerman, Huillet qui partage l'affiche avec Straub, Shirley Clarke, Agnès Varda et un petit bout de Germaine Dulac. Certains de ces joyaux sont déjà parus en bonus sur divers DVD : Jean Vigo de Jacques Rozier dans l'intégrale Vigo, Jean Renoir le patron : la règle et l'exception de Jacques Rivette en trois morceaux chez Criterion (ce morcellement avait mis Labarthe hors de lui), Le dinosaure et le bébé, dialogue de Fritz Lang et Jean-Luc Godard accompagnant Le secret derrière la porte, le Pasolini...
C'est vrai, cette série représente le bonus idéal, son absolu, parce qu'elle donne d'abord la parole aux auteurs. Remonter à la source est toujours le meilleur et le plus court chemin vers l'énigme ; libre à soi de se faire ensuite sa propre opinion. Documents inestimables. Second intérêt, la réalisation d'un "jeune" auteur, confronté à d'autres magiciens, produit des étincelles. Chaque film devient une œuvre à part entière dans la filmographie de celui qui la tourne. Oh, et puis je ne sais pas quoi ajouter pour inciter tous les cinéphiles à se ruer sur ce coffret de 6 DVD (mk2, 55 euros). Quel que soit le réalisateur, l'exercice est exemplaire. On aimerait donner mille exemples extraordinaires qui nous ont marqués à jamais. C'est trop long, mieux vaut voir les films. C'est ce que je retourne faire. Si vous êtes capables d'attendre jusqu'à Noël, c'est un cadeau de rêve !