Après la dégringolade des derniers films de Martin Scorsese, revoir Mean Streets permet d'apprécier l'authenticité et la sincérité du réalisateur à ses débuts. Film quasi autobiographique, du moins dans l'étude de son milieu social et de sa jeunesse dans le quartier italien de New York, le film possède une valeur documentaire exceptionnelle. Passé le conseil assaisonné que John Cassavetes lui donna à la sortie de Bertha Boxcar de faire ce qui lui plaît réellement, cette influence directe se fait sentir dans les plans à l'épaule, l'amitié virile des petits machos et les improvisations extraordinaires que ces deux phénomènes engendrent. Harvey Keitel y est extrêmement touchant et Robert De Niro une parfaite tête à claques, tandis que Scorsese étale ses doutes sur son ancienne attirance pour la prêtrise. L'aspect fondamentalement chrétien de son cinéma de gangsters m'a toujours empêché d'y adhérer totalement. Si l'hypocrisie de cette morale avec laquelle on s'arrange par la confession, le repentir, la punition et la rédemption me lève la peau, je me laisse porter par cette plongée ethnique comme dans n'importe quel film exotique. La magie s'évanouira hélas après Casino lorsque la rigueur du scénario et la manière de filmer s'effaceront derrière un classicisme arbitraire et un maniérisme tout aussi maladroit.
Les bonus publiés par Carlotta confirment mon sentiment, évocation de sa jeunesse par Scorsese, témoignages de son chef opérateur Kent Wakeford et du critique Kent Jones, reportage sur le réalisateur revenant dans Little Italy après le tournage et un autre sur ce que sont devenus les décors aujourd'hui, les home movies en Super 8 muets utilisés pour l'introduction de Mean Streets présenté ici remasterisé, etc. La version Blu-Ray offre en supplément Italianamerican, le moyen métrage tourné par Scorsese en 1974 avec ses parents. Mean Streets qui fut son premier succès l'année précédente est la pierre angulaire de tout son cinéma.