70 Cinéma & DVD - juin 2011 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mercredi 22 juin 2011

"Thème Je" en exclusivité


Il est des mois creux. Janvier est de ceux-là. Sans enfant scolarisé, c'est le moment idéal pour partir au soleil. Les prix sont bas, les sites déserts. À vérifier la date, certains penseront que je suis tombé sur la tête et ils auront raison, mais cela ne date pas d'hier. Le climat de notre mois de juin fait plutôt penser à novembre. Et encore ! C'est un automne pourri que nous vivons là. Pourtant le printemps avait été radieux, surtout pour les Arabes. Enfin, pas tous. Mais l'idée que l'impossible avait vu le jour avait redonné de l'espoir à celles et ceux à qui l'on objectait que "un oranger sur le sol irlandais, ça on ne le verra jamais" (Bourvil). Il n'y a plus de saisons, répétaient les grand-mères. Le réchauffement de la planète est accompagné d'effets secondaires. Le temps qu'il fait, le temps qui passe, sont des données relatives, que l'on s'ennuie ou que l'on s'affaire. Juin a toujours été pour moi un mois plein où les projets se bousculent au portillon. Cette agitation a paradoxalement suscité les phrases précédentes. Le sujet est pourtant d'un autre ordre, ou d'un autre désordre.
Car le thème du jour, c'est "moi". Entendre le titre du dernier film de Françoise Romand, Thème Je, une question dont j'ai la joie d'être la réponse sans y figurer autrement que métaphoriquement et subrepticement dans le rôle du Joker. En anglais, The Camera I, machine androïde, renvoie à l'œil de Dziga Vertov. J'ai toujours apprécié les jeux de mots, et j'applaudis ici les maux du Je de Françoise qui s'est filmée comme aucun cinéaste n'ose le faire, sans ne jamais chercher à se présenter à son avantage, plus appliquée à défendre "l'autre" avec compassion, quitte à se sacrifier pour son sujet. Lorsqu'il s'agit de soi, l'abîme vous flanque le vertige. Heureusement Thème Je vous embarque pour 1h45 d'aventures aussi drôles que dramatiques.


Plutôt que recopier le dos de la jaquette à laquelle je participai, je préfère citer la critique Anne Gillain : "La quarantaine parisienne, Françoise Romand se perd dans les cœurs et dans les villes. Une auto-dérision jubilatoire vécue sur plusieurs continents en mélangeant les langues dans une diversité culturelle, raciale et sexuelle ancrée dans son époque. Loufoque, ce portrait déjanté d'une cinéaste non linéaire explore l'auto-fiction avec ce mépris joyeusement décapant pour les conventions et susceptible de séduire un public jeune. Dans un genre assez inédit au cinéma, avec fantaisie et malice, humour et grincements de dents, elle met en scène des fantasmes fantasques. Elle s'invite au scalpel dans votre miroir, s'invente des jeux de hasard et un secret de famille. Cette expérience en DV flirte avec la webcam pour poser des questions de cinéma."
Tourné entre 1999 et 2010, le film ne voit son aboutissement que cette année. J'en vis une des innombrables versions alors que je vivais avec Françoise depuis déjà quelques mois. S'il m'apparut comme son meilleur film depuis Mix-Up ou Méli-Mélo, une question me tarabustait et une mise au point s'imposa : "as-tu vraiment besoin de vivre avec deux hommes à la fois ?" et "moi, tu ne me filmes pas, parce que je suis dans la vraie vie." Huit ans plus tard, Françoise a terminé le montage, intégré les chansons que j'avais écrites avec Bernard Vitet en 1992 et qui collent parfaitement aux différentes scènes qu'elles accompagnent, quitte à transformer le drame en joyeuse comédie.
La magnifique pochette de Claire et Étienne Mineur rejoint la collection DVD qu'ils ont illustrée, après Appelez-moi Madame et Ciné-Romand. Bonus tourné en 1977, Rencontres, le premier film de Françoise, montre à quel point son cinéma a de la constance : ses documentaires appartiennent plus à la fiction qu'à une quelconque quête du réel. Sa fantaisie s'étale sur l'écran quelle que soit la saison, tandis qu'elle nous livre ses quatre vérités de menteuse en scène. Elle nous raconte des histoires. Qu'imaginer d'autre lorsque surgit une caméra ? Chacun prend la pose. Françoise n'essaie jamais de nous la faire oublier. Elle joue avec, entraînant les acteurs dans son sillage.
Le DVD ne sortira qu'en septembre (dist. Lowave), mais on peut l'acquérir en exclusivité en écrivant à la production.

mardi 14 juin 2011

Warren Beatty, cinéaste militant !


Elisabeth Lequerret nous avait conseillé de regarder Bulworth, mais nous ignorions qu'elle ne l'avait pas encore vu. Aussitôt suggéré, aussitôt commandé ! La surprise est de taille devant cette satire échevelée, réalisée par Warren Beatty qui y tient le rôle du sénateur démocrate de Californie écœuré de défendre des idées libérales qu'il ne partage pas. Il abandonne alors la langue de bois au profit des bouts rimés du rap (la musique est signée Dr. Dre & LL Cool J, Youssou N'Dour & Canibus, Method Man, KRS-One, Prodigy & Kam, RZA, Mack 10 & Ice Cube, The Black Eyed Peas, Public Enemy, etc.) et il met un contrat sur sa propre tête. De rebondissement en rebondissement, le film, sorti en 1998, est hilarant et souvent prémonitoire, par exemple lorsque Bulworth dénonce l'assurance sociale que sont obligés de souscrire tous les pauvres...


Jonathan Buchsbaum s'en mêle en nous rappelant que Warren Beatty avait déjà signé Reds en 1981. Nous nous attendions à une chronique plan plan, c'est un nouveau choc, particulièrement la première moitié du biopic contant l'histoire de John Reed, journaliste communiste américain qui rejoint la révolution russe et écrivit Dix jours qui ébranlèrent le monde. La seconde moitié est cinématographiquement plus banale, mais le film recèle une charge explosive et des partis pris formidables comme le témoignage face caméra des véritables survivants (tels Scott Nearing, Dorothy Frooks, George Seldes, Henry Miller) ayant connu le personnage joué par Beatty. Diane Keaton dans le rôle de Louise Bryant, Jack Nicholsoon dans celui d'Eugene O'Neill, Maureen Stapleton en Emma Goldman sont tout aussi épatants.


Nous n'allions pas en rester là. Nous enchaînons avec Shampoo d'Hal Ashby (1975) dont Beatty a écrit le scénario, et The Parallax View d'Alan J. Pakula (1974) qu'apprécieront les amateurs de complots. Nous avions récemment revu, toujours avec Warren Beatty, deux chefs d'œuvre méconnus, Mickey One d'Arthur Penn et Lilith de Robert Rosen, tous deux de 1964.
La plupart de ces films existent en DVD.

jeudi 2 juin 2011

Gais Gay Games


Gais Gay Games est le dernier film de ma compagne, la cinéaste Françoise Romand. Il ne va pas le rester longtemps car suivra très vite Thème Je (The Camera I). Deux DVD coup sur coup : la maison ressemblait à une ruche toutes ces dernières semaines. C'est le quatrième et le cinquième après Mix-Up ou Méli-Mélo, Appelez-moi Madame et Ciné-Romand. J'ai trouvé le titre de Gais Gay Games, composé la musique avec Sacha Gattino et réalisé le mixage.
Lorsque Françoise est partie à Cologne en août dernier pour filmer les Jeux "Olympiques" Gays, sollicitée par le Festival LGBT de Saint-Étienne, j'ai trouvé l'idée saugrenue, rétif à toute représentation audiovisuelle du sport et pensant qu'il y avait déjà tant d'homosexuels dans les Jeux officiels que je ne voyais pas très bien ce qu'elle en tirerait. C'était mal la connaître ou ne pas lui faire suffisamment confiance. Françoise a filmé comme à son habitude, avec tendresse et humour, concoctant une comédie documentaire dont le ton ravira autant les hétéros que les homos car ce n'est pas la question. Kaléidoscope aux couleurs du drapeau gay, les paroles virevoltent, les corps s'épanouissent, les participants se livrent. Des témoins se rétractant par crainte du regard d'autrui sur leur engagement, Françoise est obligée de créer des stratagèmes inventifs qui soulignent la modernité du film. Prétexte à se rencontrer et être ensemble, la compétition sportive l'est aussi à mettre en scène des êtres humains, entendre qu'ils "sont" et que leur humanité ne s'embarrasse pas des clivages communautaires. Ce moyen métrage d'une trentaine de minutes est accompagné des bandes-annonces des autres films de Françoise, la pochette est de Caroline Capelle, l'authoring de Simon Picard. Il est sous-titré en français, anglais, allemand...
Même si certains sont graves, ses films sont tous des comédies. On verra comment, en particulier grâce aux chansons, le long métrage Thème Je ne dérogera pas à la règle de l'exception, mais ça c'est une autre histoire.

Pour recevoir en exclusivité, avant sa sortie officielle, le DVD Gais Gay Games, envoyer 10 euros (port inclus) par PayPal à romandeco@free.fr en précisant votre adresse.

P.S. : la bande-annonce est en ligne sur la chaîne CinéRomand...