Cherchant un titre pour chroniquer la sortie du triple DVD de Max Linder je ne pouvais trouver d'autre qualificatif que génial. J'avais commencé par "initiateur drôle et inventif", mais le père du premier personnage burlesque de l'histoire du cinéma, qui influença fondamentalement Charlie Chaplin, mais aussi tous les acteurs comiques chez qui l'on retrouve sa trace indélébile, des Marx Brothers à Jacques Tati et Pierre Étaix, ne peut se réduire à son humour, son élégance, ses scénarios décapants ou ses inventions cinématographiques. Quiconque découvre Max Linder n'en croira pas ses yeux, à défaut de ses oreilles puisque nous sommes à l'époque du muet. Les musiques de Jean-Marie Sénia et Gérard Calvi accompagnent néanmoins les films magnifiquement restaurés que les Éditions Montparnasse ont eu l'excellente idée de sortir pour les fêtes qui s'approchent.
Les deux longs métrages, En compagnie de Max Linder, présenté à Cannes en 1963, et L’Homme au chapeau de soie, réalisé en 1983 également par sa fille Maud, sont complétés par dix courts métrages parmi les cinq cents tournés et dont il ne subsiste qu'une centaine. Les veinards en trouveront une cinquantaine d'autres aux États Unis, mais il faut fouiller, et il existe un film d'Abel Gance de 1924 avec Max Linder intitulé Au secours !. Si Max était le fils de vignerons bordelais, le premier long réunit trois films inégalables tournés aux États Unis en 1921 et 1922, Sept ans de malheur, Soyez ma femme et L'étroit mousquetaire. Le second long est un portrait au travers d'extraits et de documents d'époque exceptionnels rassemblés et commentés par Maud qui n'a jamais connu ses parents. En 1925, l'acteur-réalisateur s'est suicidé alors qu'elle n'avait que seize mois, entraînant dans la mort sa très jeune épouse. Hyper jaloux, bipolaire, dépressif, Max Linder avait 41 ans...


Des dix courts métrages de ses débuts, tournés entre 1910 et 1915, je retiens particulièrement Max prend un bain pour des raisons très personnelles même si je les aime brûlants, Max a peur de l'eau pour le contraire et l'irrévérencieux Max et sa belle-mère, malgré l'insupportable piano de Sénia dont les conventions éculées nuisent formellement à l'intemporalité des films. Maud Linder n'aura de cesse de réhabiliter ce génie du burlesque, oublié peut-être parce qu'il était français et que l'empreinte sur Charlot n'était que trop visible ? Si ses films et son personnage respirent une incroyable modernité, il s'agit plutôt de perpétuité, concession octroyée aux chefs d'œuvre.
On connaît le cinéma Le Max-Linder, sur les Grands Boulevards à Paris. Pour présenter son travail dans les meilleures conditions, Max Linder en avait dessiné les plans en soignant le moindre détail, du trajet emprunté par les spectateurs à la place de l'orchestre accompagnant les films, mais la salle fut reconstruite dans les années 80...