Bastards est une série entraînante de remixes de Biophilia de Björk, son dernier album qui ne présente pas grand intérêt. Et là ça marche. Le Syrien Omar Souleyman séduit sur Crystalline et Thunderbolt, et Hudson Mohawke, Death Grips, Matthew Herbert, These New Puritans, Alva Noto, Current Value, The Slips s'en sortent mieux que l'originale. De là à traîter ces sauciers de bâtards, Björk exagère. Elle va trop au cinéma ou choisit mal ses films. Aujourd'hui je ne suis pas certain de mieux m'en tirer.


Je me lance dans une autre comparaison entre un original et son remix inspiré, Django de Sergio Corbucci tourné en 1966 (au cinéma le 23 janvier) et Django Unchained de Quentin Tarantino. Le film sorti mercredi est un come back plutôt réussi du vidéotécaire après une série de navets plus indigents les uns que les autres. Si les deux spaghetti western sont à la sauce tomate, acidité au programme, l'un et l'autre jouent sur la vengeance des opprimés contre le racisme, ici les victimes de l'esclavage, là de pauvres Mexicains plutôt lasagnes. La démagogie identificatrice profite aux deux films, effets téléphonés à la clé, loi du genre oblige, sans surprise. Le film pompier de Tarantino est sauvé par le personnage interprété par Christoph Walz (à gauche de Jamie Foxx) dont l'humour fait passer la violence, encore plus répétitive et fatigante chez son prédécesseur italien.


Quitte à se laisser décerveler par un des blockbusters de la nouvelle année, autant se coltiner Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow, thriller d'action réussi dont le prétexte benladenien n'a aucun intérêt historique ni politique. Il a par contre l'avantage de revendiquer son féminisme dans un domaine où le machisme est la règle (en photo, Jessica Chastain). La polémique américaine sur ses scènes de torture, il est vrai éprouvantes, est évidemment idiote. Le spectacle est payant ; la dénonciation sincère. Bigelow, comme Tarantino, y gagne sur les deux tableaux. Ils se dédouanent en se répandant. À la fois cynique et empli de culpabilité, ce cinéma ne présage rien de bon.


À peine plus critique, si ce n'est le début du film qui rappelle la responsabilité (aujourd'hui assumée) des États Unis et de la Grande Bretagne dans le coup d'état de 1953 contre Mossadegh (il avait nationalisé le pétrole iranien !), mais franchement anecdotique, Argo, le film multiprimé de Ben Affleck coproduit par George Clooney, est rondement mené, mais le suspense est éventé par la chute attendue. Cette fois la CIA opère sans effusion de sang, les gentils Américains tournant en dérision les vilains Iraniens lors de l'exfiltration en 1979 de six de ses diplomates. À la fin du film, le réalisateur nous fait le coup de que sont-ils devenus plutôt que de rappeler que la technique expérimentée lors de l'Opération AJAX qui a permis le retour du Chah, un homme de paille, devenue le modèle de toutes les ingérences américaines dans le monde. Barack Obama a eu beau reconnaître l'implication de son pays "dans le renversement d’un gouvernement iranien démocratiquement élu" et à s'en excuser dans un discours adressé à la communauté musulmane, les États Unis n'ont depuis jamais cessé de fabriquer des fictions plus vraies que n'en produit Hollywood à la chaîne... There is no show business like business !