Avec Le BachFilm les Éditions Montparnasse continuent de publier leur incroyable intégrale des films de Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Après déjà sept volumes nous est proposée la célèbre Chronique d'Anna Magdalena Bach dans cinq versions qui diffèrent par la langue, allemande, française, anglaise, italienne, néerlandaise, toutes originales, tant le couple de réalisateurs tient à l'authenticité de tout ce qu'ils filment. Ainsi toutes les œuvres interprétées par Gustav Leonhardt qui joue le rôle du compositeur, par Christina Lang-Drewanz qui joue celui de sa femme, par Nikolaus Harnoncourt à la tête du Concentus musicus, Ensemble fûr alte Musik de Vienne, par August Wenzinger à celle du Konzert-gruppe des Schola Cantorum de Bâle, par Heinz Henning à celle du Knabenchor de Hanovre, etc. sont intégralement enregistrées en direct. Il est peu probable que vous regardiez et écoutiez les cinq versions, mais le jusqu'au-boutisme d'une intégrale doublé de l'exigence straubienne imposent cette exposition quasi encyclopédique. Chronique d'Anna Magdalena Bach (1967) est certainement leur film le plus évidemment accessible au grand public qui devrait être fasciné par l'authenticité de l'entreprise. J'ai un petit faible également pour l'opéra Moïse et Aaron de Schönberg tourné sept ans plus tard, référence fondatrice de mon propre travail. Pris entre le spectacle de la vie réelle et le travail critique sur les conditions sociales où s'exerçait l'œuvre de Bach la magie vous entraîne dans des mondes insoupçonnés, expérience unique dans l'histoire du cinéma. Les rapports que Bach entretient avec ses commanditaires montrent que rien n'a vraiment changé depuis cette époque ! Le second DVD propose un documentaire de 1968 de Henk de By sur les trois premiers films des Straub, les témoignages de Gustav Leonhardt lors du tournage de la Chronique, plus récemment de Christina Lang-Drewanz et Nikolaus Harnoncourt, un extrait d'une conférence de Gilles Deleuze intitulée Qu'est-ce l'acte de création ?, ainsi que des photos et documents inédits sur la partie Rom du DVD, plus un livre de 160 pages incluant le découpage précis du film avec toutes les références musicales, cela va de soi ! Le film est un des must absolus en matière de musique au cinéma, il n'y en a pas tant que cela, tout aussi indispensable aux amateurs de Jean-Sébastien Bach, alors que Gustav Leonhardt était encore à ses débuts, comme à toutes celles et ceux qui se demandent à quoi rime le cinématographe.