Beauté de la beauté est une gigantesque série sur la peinture réalisée par Kijû Yoshida, l'auteur de Eros+Massacre, équivalent japonais de la Nouvelle Vague. Le dispositif répétitif du tournage et la voix monocorde du réalisateur interdisent de regarder les épisodes à la suite les uns des autres. La magie du feuilleton provient de sa régularité, mais aussi de son espacement dans le temps. Chacun provoque alors une découverte, soutenue par la musique contemporaine de Toshi Ichiyanagi et une remarquable partition sonore où les ambiances enveloppent les œuvres d'un halo à la fois magique et réel. En trois DVD, Carlotta propose 20 épisodes de vingt-quatre minutes parmi les 94 tournés au gré des années, de 1974 à 1978, où Yoshida arpente la planète à la recherche de la beauté en prenant garde de ne jamais la nommer. Si son approche des peintres est d'abord géographique et historique, elle est surtout sociale et politique. Il plonge dans l'Histoire, resituant ce qui a poussé les artistes à se distinguer de leur époque. Toute œuvre est critique. À son tour Yoshida revisite la peinture avec le regard distancié de son île et de son esprit frondeur. Sa présence de visiteur étranger hante les lieux où sont exposées les œuvres. Imperceptiblement il s'identifie aux plasticiens qui furent d'abord des hommes avant de transposer sur la toile ce qu'ils voyaient et entendaient, ce qu'ils vivaient et ressentaient. Les titres et sous-titres en disent long :
- Bosch, le peintre du fantastique : L'hérésie de la naissance du nord, La descente aux enfers, Le rêve d'un royaume millénaire
- Bruegel, quand le peintre est témoin de la ruine de son pays : La mise en perspective de la foule, La beauté violée du paysage
- Les crimes du peintre Caravage : Le réalisme ou l'aboutissement du crime, La fuite vers la Sicile et l'île de Malte
- Goya, le magicien de l'Espagne : L'apparition d'un peintre de cour maléfique, Avec lui commence le chaos moderne, Le sommeil de la raison engendre des monstres
- Delacroix ou le paradoxe du romantisme : Un jeune homme venu trop tard, De l'aristocratie de l'âme
- Le scandale sacré : le peintre Manet : Olympia un sentiment d'obscénité, Le dandysme est un soleil couchant
- Cézanne, le regard d'un solitaire : Qu'elle est loin la jeunesse, L'orage du midi
- Van Gogh : Le prédicateur, Celui qui perdit son pays natal, L'autodestructeur, Le suicide