Comme je préfère écrire sur des sujets peu ou mal traités, je regarde si personne n'a déjà abordé la série allemande Bad Banks sur Mediapart où mon blog est en miroir. Or Philippe Riès y a déjà signé un excellent article, «Bad Banks», une Allemagne dévergondée, sur ce thriller économique diffusé début mars sur Arte. Alors qu'est-ce que je fais ? Je passe mon tour ou je paie pour voir ? La série en 6 épisodes, qui sera reconduite pour une seconde saison, dresse un portrait terriblement juste du monde des traders, pions dopés et surexcités entre les mains de la haute finance internationale. Cela commence par des émeutes parce que les épargnants craignent de ne pas pouvoir retirer leurs économies. La suite du film de Christian Schwochow est un flashback haletant sur les acrobaties sans foi ni loi des spéculateurs.


Ce qui pourrait sembler une politique-fiction est basé sur des faits réels et risque fortement d'arriver si une nouvelle crise s'empare du secteur bancaire, scénario prévisible au su de la loi de 1973 dont le Traité de Maastricht a repris les termes, à savoir que depuis le 1er janvier 2016, selon une directive européenne transposée en France, les comptes clients dotés de plus de 100 000 euros de dépôts, tout confondu, peuvent être prélevés pour contribuer au sauvetage de leur banque. La vôtre avait l'obligation de vous envoyer cette information il y a quelques mois. Si l'ordonnance du 21 août 2015 est passée, c'est bien pour qu'elle puisse être un jour appliquée. Cela ne touche pas les petits épargnants dont les comptes sont sous la barre, et encore moins les riches qui ont délocalisé leurs avoirs en pratiquant l'évasion fiscale ! Par contre la classe moyenne que le Capital a choisi comme vache à lait est évidemment dans le collimateur. Lors d'un dîner chez des amis deux commissaires aux comptes et un banquier très haut placé (ce n'était pourtant pas un endroit si en vue !) m'ont expliqué que tout pouvait explosé dans l'heure ou plus tard, et qu'il était inconscient de conserver plus de 100 000 euros dans une seule banque. Il serait donc indispensable d'ouvrir plusieurs comptes, dans différents établissements, afin de ne jamais dépasser le seuil fatidique. C'est ce qu'on appelle le bail in, contrairement au bail out, renflouement par l'État. Si l'on en arrive là, la directrice de mon agence bancaire me confie que des émeutes auront inévitablement lieu et qu'elle-même perdra son emploi !
En attendant, vous apprécierez la férocité de ce monde financier du chacun pour soi dont les protagonistes ne pensent qu'à leur carrière au détriment de toute vie familiale, où la transparence des buildings n'est qu'un paravent à ce qui s'y joue, où les bénéfices atteignent de telles sommes qu'ils en deviennent abstraits pour le commun des mortels et où la société capitaliste expose sa maladie profonde qui l'entraînera à terme dans sa chute. Les acteurs y sont merveilleusement dirigés, en particulier les rôles principaux tenus par des femmes, Paula Beer et Désirée Nosbusch, qui, dans ce monde fondamentalement machiste dans ses pratiques, doivent être encore plus retorses que leurs collègues mâles... Et rapides tant la vitesse tient une place primordiale dans ce jeu de dupes.