70 Cinéma & DVD - décembre 2021 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mercredi 29 décembre 2021

I'm Your Man


Ce n'est pas la belle chanson de Leonard Cohen, mais le titre du dernier film de Maria Schrader, en réalité Ich bin dein Mensch. Lorsque j'ai apprécié un film, il m'arrive de chercher ce qu'a réalisé son auteur avant ou après. Comme la mini-série Unorthodox m'avait emballé, scénario, direction d'acteurs, plongée ethnologique, j'ai découvert le récent Ich bin dein Mensch, pas encore sorti en France. Écrite par Maria Schrader et Jan Schomburg (d'après l'œuvre d'Emma Braslavsky), cette romance philosophique teintée de science-fiction interroge sur ce que nous sommes, nous les humains. J'aimerais de ne rien révéler de l'histoire pour que vous ayez la même surprise que moi lors de sa projection, bien que le "pitch" aura sûrement filtré, déjà l'affiche... C'est tout de même la raison pour laquelle je préfère livrer cet extrait du début du film plutôt que la bande-annonce qui en dit beaucoup trop.


Maren Eggert et Dan Stevens y sont formidables, comme tous les acteurs de ce film intelligent dont on ne peut presque jamais prévoir la scène suivante. Il y est question de la quête du bonheur et de nos contradictions, de notre égocentrisme et de nos principes, mais chacun/e y trouvera probablement l'écho à des questions qui nous tarabustent et que nous évitons soigneusement, plongés dans la tourmente du réel.

vendredi 10 décembre 2021

Arcangela Felice Assunta Wertmüller von Elgg Spanol von Braueich dite Lina Wertmüller, vers un destin qui n'a plus rien d'insolite sous le ciel bleu de l'hiver


La fabuleuse réalisatrice Lina Wertmüller, qui vient de décéder à Rome à l'âge de 93 ans, était la championne des titres à rallonge avec Film d'amore e d'anarchia, ovvero 'stamattina alle 10 in via dei Fiori nella nota casa di tolleranza...' / Travolti da un insolito destino nell'azzurro mare d'agosto / La fine del mondo nel nostro solito letto in una notte piena di pioggia / Fatto di sangue fra due uomini per causa di una vedova - si sospettano moventi politici / Scherzo del destino in agguato dietro l'angolo come un brigante da strada / Notte d'estate con profilo greco, occhi a mandorla e odore di basilico / Metalmeccanico e parrucchiera in un turbine di sesso e di politica...

Vers un destin insolite sur les flots bleus de l'été
Article du 21 juin 2017


Vers un destin insolite sur les flots bleus de l'été est une petite merveille d'humour corrosif, un film éminemment politique qui prend tout son sel avec la distance qui nous sépare de 1974 lorsque la réalisatrice italienne Lina Wertmüller, première femme à avoir été nominée aux Oscars, le réalisa. Les récentes élections en France le plongent dans une actualité brûlante, tant l'écart entre riches et pauvres y est montré avec une acuité exceptionnelle, et les premiers échanges dialogués de la jet-set arrogante lui confèrent même un statut visionnaire. Cette comédie dramatique ressort aujourd'hui sur les écrans dans une version superbement remasterisée.
Raffaella, une bourgeoise riche et insupportable, invite des amis à passer quelques jours sur son voilier en Méditerranée. Gennarino, un matelot hirsute aux idéaux communistes, est excédé par ses hôtes. Un soir, il accepte d’emmener Raffaella faire un tour en bateau, mais le moteur tombe en panne et les deux échouent sur une île déserte. Leur relation va s’en trouver bousculée…
La nature nous renvoie à nos contradictions tandis que la société formate nos rapports. Lina Wertmüller ne réussit pas seulement à dessiner un portrait virulent de la morgue des riches, elle met en scène le machisme avec maestria dans l'acceptation qu'ont les dominés face à leurs exploiteurs. Les deux personnages interprétés par Giancarlo Giannini et Mariangela Melato sont pris à leurs propres pièges, renversant les rôles que la société leur a attribués, mais ne faisant que bouger la frontière qui les sépare. Vers un destin insolite, sur les flots bleus de l'été (Travolti da un insolito destino nell'azzurro mare d'agosto) est aussi un film sur le désir où la sexualité, façonnée par la lutte des classes, est abordée avec la liberté des années 70.
J'ai hâte de revoir ou découvrir ce que je trouverai de la trentaine des autres films de Lina Wertmüller, parmi lesquels Mimi métallo blessé dans son honneur (Mimì metallurgico ferito nell'onore), Film d'amour et d'anarchie (Film d'amore e d'anarchia, ovvero 'stamattina alle 10 in via dei Fiori nella nota casa di tolleranza...'), Pasqualino (Pasqualino Settebellezze), Notte d'estate con profilo greco, occhi a mandorla e odore di basilico, Scherzo del destino in agguato dietro l'angolo come un brigante di strada, etc. Ces titres longs comme le bras (d'origine suisse, son vrai nom est Arcangela Felice Assunta Wertmüller von Elgg Spanol von Braueich !) ne font qu'exciter ma curiosité...

mercredi 1 décembre 2021

Des sœurs Wachowski


Tandis que je viens de revoir Cloud Atlas, sorti en 2012, des Wachowski, frères devenus sœurs entre temps, je retrouve un article du 24 janvier 2009 d'un autre de leurs films qui n'a pas non plus rencontré le succès de leur Matrix. Réalisé à six mains avec Tom Tykwer tant ce film de science-fiction adapté d'un roman de David Mitchell est ambitieux, Cloud Atlas ne ressemble qu'à lui-même. Par un jeu de références croisées, il imbrique six histoires se passant en 1849, 1936, 1973, 2012, 2144, 2321. Pas toujours facile à suivre, il fait faire le grand huit à notre ciboulot, telle une comète lorgnant l'infini, convoquant les acteurs dans des rôles différents selon les époques, quitte à perdre le fil pour reconnaître Tom Hanks, Halle Berry, Jim Broadbent, Hugo Weaving, Jim Sturges, Susan Sarandon, Hugh Grant sous leur époustouflants maquillages. Je dois avouer que c'est mon préféré des Wachowski derrière la série Sense 8, objet encore plus "difficile à ramasser". Ce matin en revoyant la bande-annonce de Cloud Atlas je trouve qu'elle résume bien ce que les Wachowski ont semé en filigranes au long des trois heures de film.



SPEED RACER REMONTE LA COURSE

Bien que rarement en accord avec les critiques cinéma qu'en général je lis plutôt après voir vu les films pour me faire ma propre opinion et éviter que l'on me gâche le plaisir de la découverte en me racontant le scénario, j'ai suivi le conseil d'Olivier Séguret dans Libération en allant regarder Speed Racer, le dernier film des frères Andy et Larry Wachowski, auteurs de la Trilogie Matrix et scénaristes de V for Vendetta. Il émanait de l'article quelque chose de l'ordre du jamais vu, on y faisait référence à la 3D, aussi ai-je pensé que nous étions peut-être en présence d'un de ces nouveaux objets qui changent la face du spectacle cinématographique. C'est le sentiment que me procura Tron à sa projection en salle en 1982, comme si il y avait désormais le cinéma avant et celui après Tron. La technique a souvent bouleversé l'histoire de l'art, comme l'invention du tube en plomb donna naissance à l'impressionnisme dès lors que l'on pouvait aller peindre sur nature en emportant les couleurs dans sa poche.


En 2008, en France comme aux États-Unis, la presse éreinta Speed Racer qu'elle trouvait à juste titre bien pauvre scénaristiquement, divertissement des familles un peu cul cul la praline. Comme si la plupart des blockbusters n'obéissait pas à la débilité ambiante, marketés pour un public d'ados de 16 ans ne s'intéressant qu'aux jeux vidéo et au cinéma d'action pour les garçons, aux bluettes à l'eau de rose pour les filles ! Entre les films qui font réfléchir en interrogeant le supposé réel et le cinéma forain qui le fait oublier, le fossé s'agrandit, le niveau social et culturel dictant qu'on doive appartenir à un clan ou à l'autre. Il y a pourtant un temps pour tout, et que le cinématographe retrouve ses origines d'attraction foraine n'est pas pour me déplaire.
Certains films brisent cette convention et mêlent astucieusement la magie à la réflexion. Sans rejoindre ces chefs d'œuvre de plus en plus rares, Speed Racer décoiffe par son traitement graphique et ses effets 3D. L'utilisation de la couleur et du filé, les volets horizontaux qui remplacent les coupes de montage traditionnelles, les trucages sur fond vert donnent des idées de comment les utiliser autrement que pour un divertissement de pure forme. Inspiré d'un célèbre manga, le film explose dans les scènes de course automobile, avec humour et virtuosité, nous faisant oublier les trop nombreux passages dialogués pleins de bonnes intentions. Film à découvrir sans hésiter pour voir l'écran sous un angle différent.