Si l'on se fie à la bande-annonce du film de Thomas Kruithof, Les promesses ne seront pas tenues et c'est tant mieux. Les personnages de cette évocation du monde politique n'ont rien de manichéen. Ils oscillent entre leurs ambitions et la morale individuelle qui les a portés à s'engager. Pour avoir participé deux fois à des élections municipales, et de plus dans le département de la Seine-Saint-Denis où se passe l'action, j'ai trouvé très juste la vision du cinéaste qui avait préalablement réalisé le thriller La mécanique de l'ombre. Il réussit même à donner quelque espoir face aux magouilles et petits arrangements qu'implique une loi mal fichue qui donne tout pouvoir au maire après son élection. Ce n'est pas si simple. Décrocher des subventions importantes pour faire des travaux sur des immeubles insalubres n'est évidemment pas de son seul ressort. Passé la dénonciation des marchands de sommeil, c'est le système français qui se lit en filigranes derrière le combat de la mairesse incarnée par la toujours pétulante Isabelle Huppert et son chef de cabinet Reda Kateb tout aussi convaincant.


On sait bien que les municipales n'obéissent pas aux mêmes règles que les présidentielles ou les législatives. Il existe de bons maires de droite et d'épouvantables à gauche. Cela dépend aussi de la taille des communes et de leur localisation, à savoir le budget dont elles disposent et les populations qui y vivent. Je me souviens avoir dîné avec un commissaire aux comptes du gouvernement qui m'expliquait que la corruption est générale. Un inspecteur qui revient bredouille signifie qu'il en a croqué ! À l'époque la différence résidait dans les poches de qui atterrissaient les pots de vin, personnelles à droite, pour le parti à gauche, du moins chez les communistes. Les temps ont changé. Le marché de l'immobilier et les travaux publics sont une manne pour les dessous de table. C'est en partie ce qui sert à payer les campagnes politiques. Le seul levier qu'avaient les commissaires aux comptes était de freiner un temps les ardeurs des épinglés. Ceux qui font fi de l'avertissement tombent. Ce fut par exemple le cas de Jacques Médecin à Nice ou des Balkany à Levallois. Vivant à Bagnolet, je dois avouer que nous en avons vu des vertes et des trop mûres, au point que j'ai fini par me retirer de la tambouille, difficile à comprendre pour les électeurs. C'est tout le système, donc la loi, qui est à changer. Une des raisons, parmi tant d’autres, justifiant la nécessité d'une nouvelle Constitution qui oblige les élus à rendre des comptes. Les autres corps de métier y sont tenus. Mais ce n'est pas un métier, puisque les élus ne sont pas salariés et n'ont donc pas le droit à des indemnités de chômage s'ils perdent les élections. On comprend pourquoi ils s'accrochent !

→ Thomas Kruithof, Les promesses, DVD/Blu-Ray Wild Bunch, sortie le 8 juin 2022