En regardant l'affiche du film de Nina Faure j'ai repensé au slogan que Marianne avait épinglé dans notre cuisine au début des années 70 : "Une femme sans homme, c'est comme un poisson sans bicyclette". Je me suis aussi souvenu du disque pour l'Année de la femme (ça ne s'invente pas !) produit en 1975 par la Parti Communiste Français et pour lequel, jeune assistant, le Comité Central m'avait refusé la phrase d'Engels "la femme est le prolétaire de l'homme", soi-disant trop dure pour les camarades. Mon opinion sur ceux que nous appelions les révisos était déjà faite !


Chronique d'une révolution féministe est le sous-titre du film We are coming de Nina Faure. Le titre est bizarrement en anglais comme les chansons américaines à la fin de nombreux films français, ce qui n'est pas le cas ici lors du générique de fin de ce documentaire essentiel, la musique étant de Lou Cadet (TedaAK). Dès le début, Nina Faure attaque direct sur l'ignorance des femmes de leur propre morphologie, à savoir leur clitoris. Comme la suite reste fondamentalement pédagogique, même si traitée avec beaucoup d'humour et de joie communicative, je me suis aussitôt fait la remarque de l'ignorance des hommes sur leur propre plaisir lorsqu'ils assimilent l'éjaculation à l'orgasme masculin. Un autre film reste à faire si l'on veut comprendre ce qui est resté jusqu'ici inextricable dans le rapport sexuel, d'autant que le portrait à charge, néanmoins juste et justifié, ne leur donne pas la parole, si ce n'est par leur incapacité à témoigner, du moins telle qu'elle est là mise en scène. Ce court-circuit est ce qui m'ennuie dans les revendications féministes actuelles d'une jeunesse prometteuse, de plus en plus motivée. Mais peut-être faut-il en passer par là pour faire vaciller des siècles de patriarcat ? L'inconscient de la réalisatrice, présente hier soir à l'avant-première au Cin'Hoche de Bagnolet, lui joue d'ailleurs des tours lorsqu'à la fin du film elle annonce que les questions des hommes cis feront l'objet d'une seconde partie du débat, qui se clôturera pourtant sans qu'aucun n'ait pu en placer une ! Si les propositions de groupes de paroles, de grève du travail domestique (sur le modèle des Islandaises en 1975, et j'ai évidemment pensé à Lysistrata) sont formidables, elles aboutissent à une critique mécaniste de l'hétérosexualité par manque de dialectique. Et la revendication communautaire pointe évidemment son nez à la fin de la démonstration. J'avoue avoir une aversion pour tout repli communautaire, qu'il soit religieux, sexuel, local, professionnel ou autre. Si le film de Nina Faure est indispensable, de salubrité publique et d'une santé réjouissante, son efficacité est réduite par l'absence d'analyse de la réalité masculine au profit de la terrible oppression que les hommes font subir au "sexe opposé". Pas facile de devoir endosser le costume du mâle hétéro dans ces conditions, mais la brutalité absurde dont mes congénères font preuve depuis des siècles n'est pas plus confortable à assumer, si ce n'est en dénonçant la complicité des mères. Homme ou femme, allez le voir (il est programmé à l'Espace Saint-Michel à Paris pour les deux semaines à venir), il interroge et passionne, même si je reste sur ma faim.