70 Humeurs & opinions - novembre 2006 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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dimanche 26 novembre 2006

Des difficultés de l'écrit et de l'oral


À l'invitation de Xana chez des amis sur la Butte Montmartre, nous faisons la connaissance d'un passionné de photographies, l'expert Christophe Goeury, qui s'est récemment occupé de la succession Brassaï. Magnifique catalogue dont il existe une version complète en ligne ! Évoquant l'importance de la culture générale, nous arrivons rapidement à la question des fautes d'orthographe. J'explique mon côté tatillon par la nature des œuvres que je produis. Lorsque l'on crée des trucs barjos, toute erreur portant sur quoi que ce soit qui s'y rapporte pourrait laisser croire à une maladresse possible dans l'œuvre elle-même. Or, "malheureusement c'est comme ça qu'on le joue !", pour citer Luc Ferrari (1929-2005) dans la radiophonie de Crimes parfaits (in Un Drame Musical Instantané, cd Machiavel). Même si l'on ne fait que ce que l'on peut, tout est évidemment intentionnel. Les libertés prises avec le sujet apparaîtront d'autant mieux comme des choix délibérés si ce qui entoure l'objet est sans faute. Ailleurs, lorsque l'on dirige des comédiens, une orthographe défaillante fait immanquablement buter sur le mot erroné et distrait du sens de la phrase... Les nouveaux médias (SMS, chat, e-mails, etc.) ont développé les échanges écrits, mais ils n'ont ni amélioré l'orthographe ni la syntaxe des jeunes rédacteurs. Il existe pourtant des correcteurs automatiques qui permettent d'éviter un paquet de fautes, qu'elles soient d'inculture, de frappe ou d'inattention. Il est malgré tout rare de les éradiquer toutes tant il est difficile de se corriger soi-même...
Pendant le dîner au demeurant hilarant, le caricaturiste et réalisateur Picha nous donne une version intéressante du succès de la bande dessinée belge, comme de la peinture et de nombreuses formes artistiques où l'on fait peu usage de la parole. Lui-même Flamand parlant le français et non sa langue maternelle, il explique que la plupart des Belges, tiraillés entre trois langues (la troisième est l'allemand) et n'en possédant souvent bien aucune, sont attirés par des formes d'expression picturales. On le constate aussi chez les cinéastes, vidéastes, chorégraphes belges qui glissent souvent vers la pantomime et font un usage inventif du son.

Photo issue du catalogue Brassaï, Graffiti I ou la Harpie (1968), légendée Faire entrer l'art primitif de la rue chez soi afin de l'intégrer aux temps modernes.

vendredi 24 novembre 2006

Tant que les pauvres ne lisent pas Libé !


Hier matin, Libération titrait "6,8 millions de pauvres". La rédaction et le service marketing du quotidien à l'agonie feraient bien d'accorder leurs violons, car le numéro de jeudi est accompagné du supplément "Fooding". Et que lit-on en haut de la page 3 de ce guide des restaurants parisiens ? "Quand on veut flamber... en débouchant un pétrus 99 à 1440€ au Versance, en commandant sans grimacer 250g de sevruga à 520€ au Cristal Room Baccarat, en choisissant le menu surprise du mystérieux Barbot à 250€ à l'Astrance, sur un pigeon qui atteint des sommets au Sensig, avec, pour les plus petits joueurs, un filet de bœuf à 28€ au Severo..." Quel cynisme ! Libération a beau faire sa une de "la pauvreté gagnant le monde des salariés" et souligner que "l'insécurité sociale a augmenté", il dévoile sa face rougeaude de bourgeois nanti parisien. Dans son édito au supplément, Alexandre Cammas sait seulement s'insurger contre les 35 heures qui condamnent le gigot de sept heures et l'interdiction de fumer dans les lieux publics. La confrontation des deux unes est fatale. Après s'être fait arnaqué par July, Rothschild, le mouton de Sarko, peut s'empiffrer de ces pâturages glissants.
Si le quotidien disparaissait, comme il est partout annoncé, on pourrait toutefois regretter le pluralisme des pages culturelles, l'imagination et l'à propos de certains titres et les grandes illustrations, photographiques ou dessinées. J'avoue le feuilleter chaque matin aux premières heures de l'aube, après qu'il soit tombé dans ma boîte aux lettres... Les petits caractères du Monde, l'autre quotidien centriste mais du soir, m'ont toujours paru illisibles et, ouvrant Le Parisien, je continue de trouver qu'il ressemble à n'importe quel gratuit populiste. Reste heureusement Le Monde Diplo, une fois par mois, feuilleton à ne consommer qu'à dose homéopathique pour ne pas sombrer dans la neurasthénie.

mercredi 22 novembre 2006

Taille mannequin


En claquant derrière moi la porte du jardin, j'aperçois en face cette image surréaliste. Difficile à décrypter de l'endroit où vous vous tenez, le flyer STOP des Jeunesses Communistes collé sur le panneau représente une hache fendant en deux le mot AVENIR.

mercredi 15 novembre 2006

Malachi Ritscher s’immole par le feu


JR fait suivre les liens de deux articles. Le premier vient du Chicago Sun-Times. Vendredi dernier, à une heure matinale de grande affluence, un homme s’est immolé par le feu en signe de désapprobation avec la guerre en Irak, rappelant le geste des bonzes pendant la guerre du Vietnam. Sur le blog du Chicago Reader, ses amis, sa famille, ceux qui l’ont connu, ceux qui découvrent aujourd’hui son existence, s’interrogent sur l’acte politique et l’état de fragilité psychique de Malachi Ritscher.
À la télévision, je prends en cours de route le film qu’Ed Harris tourna en 2000 sur Jackson Pollock. Le peintre, alcoolique, s’est tué en voiture à l’âge de 44 ans. Son instabilité psychologique s’efface devant son œuvre. La scène où il écoute Billie Holiday me fait soudain penser à ce que je viens de lire. Une grande tristesse.
Malachi Ritscher avait 52 ans, il s’intéressait à la poésie, à la peinture, collectionnait un peu tout et n’importe quoi, livres, couteaux, yeux de verre, mais il dédia surtout sa vie à défendre la scène jazz avant-gardiste de Chicago. Toutes les semaines, à l’Empty Bottle ou dans une autre boîte, il sortait son équipement portable et il enregistrait. Des milliers d’heures qu’il lègue à Bruno Johnson d’Okkadisk dans un testament intitulé Out of Time qu'il a placé sur son site en le rédigeant à la troisième personne du singulier. On peut aussi y lire une déclaration expliquant son geste, cette fois à la première personne. Son site montre les photos que Tim Ershot prit de Sun Ra, William Parker, Joe McPhee, Jerome Cooper, Mike Patton, Lol Coxhill, Henry Grimes, Dave Douglas, Peter Brötzman, Sam Rivers, Evan Parker, John Zorn… Ses enregistrements donnèrent lieu à des disques de Paul Rutherford ou Irene Schweizer.
Quel désespoir pousse un homme jusqu’à ces extrémités ? Comment comprendre la bande à Baader-Meinhof ou le sacrifice de Ian Pallach sans le percevoir ? Quelle différence y a-t-il entre canaliser sa difficulté d’être par la création ou par la destruction, a fortiori l’autodestruction ? Qu’est-ce que ce monde peut offrir aux écorchés vifs, à ceux qui ne peuvent l’accepter dans ses iniquités et sa brutalité ? Sur la même chaîne de télévision, Van Gogh de Maurice Pialat succédait au très beau portrait de Pollock aux prises avec ses démons, ses pinceaux et ses couleurs. Pour me changer les idées, je joue à Pollock avant d’aller me coucher. Quelques gouttes de peinture sur un linceul blanc.
Pour Ritscher, la sublimation n'était pas assez forte. Il n’avait probablement aucune autre échappatoire. L’Amérique de Bush prend lentement conscience de l’horreur où le pays s’enfonce toujours plus profond. Génocide indien, esclavage, Canal de Panama, impérialisme, Guerre des étoiles, etc. La liste est trop longue. Récemment, Afghanistan, Irak, et même dans les limites de ses frontières avec 9/11, la Nouvelle Orleans après Katrina, la misère partout... Comment les États-Unis peuvent-ils endosser un si lourd fardeau ? Ritscher lance un signal d'alarme. Le réveil risque d’être encore plus terrible.

mercredi 8 novembre 2006

Dé-montage de Sarkozy


J'ignore qui est l'auteur de ce montage révélateur.

samedi 4 novembre 2006

Blog en panne


Ma base de données MySQL est tombée en rade vendredi à 18h30 pour n’être réparée qu’à l’instant. Cela aurait pu me faire des vacances, mais je me faisais un sang d’encre. Avais-je perdu toutes mes données, sauvé certaines, mais lesquelles et quand la connexion serait-elle rétablie ? Cela tombait mal, mais ça tombe toujours au plus mauvais moment. J’avais passé la journée de vendredi à améliorer la présentation du blog, réduisant la hauteur du bandeau supérieur, ajoutant un traducteur automatique Français-Anglais, installant un compteur adapté à mes désirs, réorganisant les catégories après avoir classé les billets relatifs aux voyages, etc.
J’ai appelé au secours, mais personne n’était là, ni mon hébergeur ni les copains qui auraient pu me fournir un soupçon d’explication, voire me rassurer. Online (ça dépend de Free) prévient qu’ils répondent en 48 heures jours ouvrés, c’est long pour une publication en carafe. Le message restait ésotérique :
1016 - Can't open file: 'dc_post.MYI' (errno: 144)
Fatal error: Call to a member function on a non-object in prepend.php on line 190.
J’ai fini par trouver la réponse dans les forums de DotClear et réparé ma table dc_post tout seul, comme un grand. N’empêche, il y a encore un truc bizarre, mais je ne vais pas vous embêter avec ça. Je suis bien content de vous retrouver. Je dis vous, mais est-ce bien vous ou est-ce que je parle de moi en vous prenant comme alibi ? Publier un article chaque jour crée des liens. Vous écrivez parfois un commentaire ou postez un mail à mon adresse personnelle, vous m’en parlez quand nous nous croisons dans la vraie vie. Vous en discutez entre vous tandis que de mon côté j’ai moins de choses à rabâcher. Tout est dit. J’entends mieux. J’apprécie de pouvoir faire partager émotions, connaissances, points de vue documentés et réflexions à un nombre de lecteurs qui ne cesse de s’accroître. Alors j’écoute. Mieux.

jeudi 2 novembre 2006

King Kong Théorie


Virginie Despentes, l'auteur de Baise-moi et d'une demi-douzaine de romans, publie un pamphlet féministe au vitriol qui se lit d'une traite comme le flow d'un rappeur, ou plutôt d'une rappeuse, car aucun homme ne semble capable d'aborder la question de l'émancipation masculine comme Despentes crache sa rage sur l'inégalité des sexes, culture machiste oblige, planétaire. La romancière démonte le viol et la prostitution, le regard des hommes et la complaisance des femmes avec des mots tranchants, phrases courtes qui renvoient à ce que le féminisme a produit de meilleur. Mieux, elle donne l'espoir que le monde pourrait changer. Le viol est le risque encouru par les femmes dans une société cynique qui élève les garçons dans une supériorité négationniste avec la complicité des mères, odieux passage à l'acte au delà du fantasme, que Despentes surmonte par un salutaire volontarisme. La prostitution est mise en perspective avec le mariage, clandestine contre légale. Le sexe s'exprime aussi par la lutte des classes. Le livre, à déclarer de salubrité publique, s'adresse autant aux hommes qu'aux femmes.
Illustration de la couverture de King Kong Théorie par Marie Meier.