70 Humeurs & opinions - mars 2009 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

dimanche 29 mars 2009

Denis Robert dans une BD d'enfer


Voici enfin une bande dessinée avec un scénario d'enfer ! Cela me change du bel album Animal'z de Enki Bilal dont j'ai renoncé à comprendre les histoires décousues depuis longtemps. Denis Robert, le journaliste qui a révélé, entre autres, l'affaire Clearstream, signe celui de L'affaire des affaires avec le dessinateur Laurent Astier et Yan Lindingre pour le story-board. Ce roman autobiographique de 200 pages en images et phylactères nous en apprend plus que la lecture de votre quotidien préféré (soit le moins détestable) et raconte ce que vous ne verrez jamais à la télévision, le dessous des cartes, la saga de L'argent invisible, titre de ce premier volume d'une série dont on attendra la suite avec impatience. Depuis dix ans, Denis Robert s'escrime à démasquer les paradis fiscaux où se blanchit l'argent sale. La crise actuelle valide ses pires craintes. En faisant monter les affaires comme de la pâte à beignets, il révèle les bases mêmes du système capitaliste et nous entraîne dans une jungle en cols blancs qui fait froid dans le dos. Son engagement professionnel l'emporte sur sa mauvaise conscience de ne pas assez s'occuper de sa famille et sur sa fatigue devant la faune qui le harcèle de questions comme une bête de cirque. Le personnage qu'il incarne en vignettes ressemble à tous les détectives de roman noir, à la fois dépité et pitoyable, pugnace et héroïque, animé du masochisme de l'irrépressible besoin de savoir qu'il partagera avec ses lecteurs.
"Les hommes politiques, tous pays confondus, nous assomment avec la 'mondialisation' comme seule excuse à leur incapacité à proposer la moindre alternative au libéralisme... Les Etats sont affaiblis, l'Europe est bancale... Les capitaux circulent librement mais les juridictions restent cadenassées dans leurs frontières nationales... En ouvrant les frontières économiques sans changer les règles politiques, judiciaires, ni les missions des Etats, on a donné un formidable coup d'accélérateur à la dictature de l'argent-roi. (...) Les capitaux clandestins ont toujours existé, tout comme les mafias, ou les paradis fiscaux... Ce qui est nouveau, c'est leur explosion, la vitesse des échanges et la parfaite inadaptation des systèmes de contrôle... (...) John Maynard Ferguson a dit que le capitalisme était la croyance stupéfiante que les pires hommes allaient faire les pires choses pour le plus grand bien de l'humanité... Vous voulez que je répète ?"
Rien de personnel, et pourtant ! Denis Robert n'est qu'un homme. Il est vivant et bien vivant. Fragile et volontaire. L'enquête le bringuebale dans les arcanes du pouvoir qui lui en fera voir de toutes les couleurs, mais ça c'est une autre histoire, à suivre !

samedi 28 mars 2009

Ânonnements de la haine anonyme


Au risque de susciter de nouvelles insultes dans les jours prochains, je continue de m'interroger sur les gerbes anonymes qui fleurissent sur le Net comme une acné juvénile. J'ai pu le constater sur presque tous les blogs des amis qui ont, pour certains, dû fermer les commentaires, tant les incontinents volent au ras des pâquerettes. C'est de saison, me dis-je, soulagé depuis qu'ils s'effacent au fur et à mesure qu'ils s'inscrivent. Je ne perds pas grand chose, seul le phénomène de société faisant sens à mes yeux.
Pour comprendre de quoi il retourne, je n'ai d'autre solution que d'essayer de me glisser dans la peau des malades comme je le fis dans le passé avec les obsédés du téléphone. Dans les années 70, deux de mes amies, Brigitte et Marianne, furent en butte à des coups de téléphones répétés, souvent nocturnes, où leurs interlocuteurs restaient désespérément muets à l'autre bout du fil. Le répondeur automatique n'était pas encore développé. Je me proposai de les en débarrasser en décrochant à leur place. Le principe consistait à réfléchir ces personnes qui exprimaient leur impuissance par leur mutisme. Au lieu du ton inquiet auquel ils ou elles s'attendaient, j'alternais longs silences et confessions hésitantes en me mettant à leur place. Je monologuais dans un silence pesant dont j'avais à mon tour pris le contrôle jusqu'à ce qu'ils craquent, eux, et raccrochent de guerre lasse, confrontés au miroir de leur misère. "L'arroseur arrosé" est un thème récurrent qui m'a toujours beaucoup plu. En 1985, Un Drame Musical Instantané enregistra d'ailleurs une pièce où Bernard récite le texte que j'avais improvisé à l'origine in situ et qui met en ondes le principe de mon scénario, basique, mais efficace. Carnage, l'album vinyle dont il est issu, étant épuisé depuis vingt ans, voici donc 7'15" exhumées, numérisées, compressées et (forcément fadement) reproduites en mp3 :


Le téléphone muet avec Bernard Vitet (récitant, trompette), Jean-Jacques Birgé (synthétiseur PPG, piano, percussion), Francis Gorgé (direction, percussion), Jean Querlier (hautbois, cor anglais, flûte, sax soprano), Youenn Le Berre (flûte, flûte basse, basson), Michèle Buirette (accordéon, la victime), Geneviève Cabannes (contrebasse). À signaler que le logo en haut d'article est détourné de son but initial, même s'il n'est pas déplacé.

Les commentateurs haineux d'Internet ne seraient-ils que les enfants des obsédés du téléphone d'antan ? Si les propos obscènes des premiers remplacent le mutisme de leurs prédécesseurs, ils ont en commun l'anonymat et la vacuité, exprimant leur impuissance à travers une forme de violence, ne fut-elle que verbale. Devenu cette fois, à mon tour, la cible des attaques répétées, je suis bien mal placé pour y répondre. Je me suis aperçu que sur Internet, lors des échanges agressifs entre deux individus, seule une troisième personne pouvait mettre fin au duel stérile. Depuis que les commentaires haineux s'effacent automatiquement, il n'est évidemment plus possible d'y répondre, mais j'aurai mis un peu de temps avant de trouver une solution satisfaisante.

mardi 24 mars 2009

Répondre, ignorer ou effacer ?


Régulièrement, je suis obligé de faire le point sur les pratiques qu'inspirent un blog où s'avance l'auteur à visage découvert. J'ai déjà évoqué l'anonymat des commentaires, l'arrivée récente de la réaction inondant le Net de propos haineux inconsistants, la régulation qu'ils pourraient suggérer (je me suis jusqu'ici interdit de les censurer en amont comme le font de nombreux blogs et sites qui évitent ainsi à leurs lecteurs une pénible lecture ; exemple : " ce forum est modéré a priori : votre contribution n'apparaîtra qu'après avoir été validée par un administrateur du site "). Il y avait jusqu'ici une certaine éthique du Net qui permettait d'éviter ces complications techniques. D'autre part, si je suis responsable de ce que j'écris, je le suis légalement de ce que je laisse passer dans les commentaires.
J'hésite franchement entre répondre, ignorer ou effacer. Je ne recule jamais devant un débat sincère et argumenté, mais la plupart des idiots qui laissent des commentaires insipides et hargneux ignorent tout de la personne à qui ils s'adressent, ce ne sont que des insultes bêbêtes auxquelles il est pénible de répondre tant je ressens de la compassion pour la misère de leurs auteurs. Ces pauvres gens ne savent rien de mon travail ni de mes actions dans le monde réel. Je ne peux tout de même pas m'abaisser à leur faire la leçon en me justifiant par mon pédigrée. Comme il m'est difficile de laisser ces inepties sans réponse, j'ai décidé de les effacer puisque visiblement ces commentateurs ne font pas partie de mes lecteurs à qui je préfère éviter de perdre leur temps comme à moi-même. Cette solution ne m'enchante guère, mais mes articles me donnent suffisamment de travail pour que je ne me répande pas sur ces enfantillages. De plus, il est hors de question que ce blog devienne une tribune de plus pour les propos absurdes et la langue de bois que nous servent déjà tant de médias officiels, pas seulement à leur des désinformations, mais sans cesse, en flux permanent.
Une question me tarabuste néanmoins : comment ces personnes malintentionnées atterrissent-elles sur mon blog ? Quel mot tapent-elles sur leur moteur de recherche ? Sont-elles en quête de vilains gauchistes et leur masochisme va-t-il jusqu'à s'avaler ma prose ? Vous avez une idée ?

dimanche 22 mars 2009

Y a pas de soucis !


Il y a peu, j'écoutais Vincent Lindon parler du film Welcome. Il rappelait que les sans-papiers est un terme choisi pour son effet repoussoir. Les sans-papiers sont des immigrants possédant les papiers de leur pays d'origine, mais ils ne sont pas en règle avec le service d'immigration français. En Afghanistan ou aux États-Unis d'Amérique, nous serions tous des sans-papiers, passé le délai de trois mois de notre visa touristique ! Ces étrangers n'ont donc pas le droit de travailler sur notre sol. S'ils le font, ce qui est évidemment indispensable pour pouvoir se loger et se nourrir, ils sont allègrement exploités, souvent par ceux-là même qui leur refusent leur régularisation pour mieux les museler. Ce n'est pas non plus une nouveauté, par exemple l'Arche de la Défense fut en partie bâtie par des "illégaux". Depuis toujours, la France représenta la terre d'accueil pour tous les exilés, cette diversité en constituant sa spécificité, ce que le gouvernement de notre saigneur et mètre soixante s'acharne à détruire. Ne parlons donc plus de sans-papiers, terme négatif et péjoratif qui camoufle celui de réfugié politique ou de rescapé de la misère. Il ne restera plus qu'à nous battre pour les aider à retrouver leur dignité, et par là même, la nôtre.
Dans la série "enfumage" et terme inapproprié, l'égalité des chances est un concept surprenant car les deux termes sont parfaitement antinomiques. Depuis quand une probabilité est-elle compatible avec une équivalence ? Là où la chance entre en jeu, l'égalité est tout sauf envisageable. Voyons-le sous un autre angle : l'égalité des chances, c'est par exemple le loto ; tout le monde a les mêmes chances de se faire plumer. Les gagnants se comptent sur les doigts de la main.

Je comparerais cette (in)égalité au bouclier fiscal qui permet à 14 000 contribuables d'en bénéficier. Ah les pauvres ! Gain moyen : 33 000 euros. Mais Didier Migaud, président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, de préciser que grâce à Nicolas Sarkozy, 834 contribuables les plus riches d'entre eux, détenant un patrimoine de plus de 15,5 millions d’euros, ont touché du fisc un chèque moyen de remboursement de 368 261 euros en 2008, soit « l’équivalent de 30 années de Smic » ! C'est seulement pour une année. Les riches trouvent qu'ils payent toujours trop, mais comprenez bien que les impôts en question sont prélevés sur les revenus et non sur les avoirs. Dans le système capitaliste, la richesse engendrant la richesse, le capital étant voué à l'expansion, on ne devient jamais riche, on en hérite... L'héritage est un des piliers de l'inégalité. Car le mirage est bien entretenu pour permettre aux plus pauvres de rêver qu'ils pourraient un jour avoir accès à l'opulence. Les histoires de princes et princesses ont toujours fait fantasmer les classes les plus défavorisées... La question des impôts est peut-être mal posée. Est-il normal que l'écart soit aussi faramineux entre les hauts et les bas salaires ? Si les salaires et les gains étaient plafonnés, l'impôt n'aurait pas besoin de l'être. On nous dit que les riches quitteraient le navire et préfèreraient aller vivre à l'étranger plutôt que cracher au bassinet. Bel esprit républicain que voilà ! Si certains aspirent à perdre leur nationalité, d'autres accepteraient volontiers d'en bénéficier. On devrait pouvoir s'arranger. Mais si tous les gars du monde, et toutes les filles, voulaient se donner la main et lever le poing avec l'autre, il n'y aurait plus aucun pays pour héberger les voleurs et les exploiteurs, plus aucun paradis fiscal, plus de secret bancaire ni de blanchiment d'argent... Revenons à nos moutons, le terme est bien choisi même si mon camarade Bernard déteste qu'on embrigade les animaux dans cette galère, et réfléchissons à celui de "bouclier" fiscal. Si certains pensent à façonner des boucliers, donnons leur du fil à retordre et confectionnons lances et pics. À force de tant d'arrogance certaines têtes pourraient bien les couronner...

La Liberté guidant le peuple d'Eugène Delacroix a été récupérée maintes fois, en particulier lorsqu'elle servit d'illustration au billet de 100 francs de 1978 à 1995. Mais quelle image plus juste face aux provocations d'une classe de nantis qui se croit intouchable ? Ce sentiment d'impunité a chaque fois coûté cher à ces profiteurs. Voilà pourquoi certains hommes politiques de la droite commencent à critiquer ces excès de zèle en matière d'arrogance. Jusqu'où acceptera-t-on la distribution des bénéfices aux actionnaires, des subventions aux banquiers, des indemnités aux responsables de faillites tandis que leurs entreprises licencient à tours de bras et que le gouvernement saccage des pans entiers de son économie comme les secteurs de l'enseignement, de la recherche, de la santé ou de la culture ? Les élus ont bien raison de se faire du souci.

vendredi 20 mars 2009

L'image, le texte, le son


L'image...


Le texte...


Et le son : Ze Klaxon Kompany (RATP) est un orchestre de chalumeaux (shalmaïs), instruments souvent utilisés par les fanfares révolutionnaires de l'Allemagne des années 30. C'est un des plus gros dont joue Bernard sur la pochette de son disque Mehr Licht ! Ce bouquet de klaxons à pistons permet de passer au-dessus de la mêlée des slogans qui envahissent la rue.

jeudi 12 mars 2009

La réaction se répand pour l'instant sans consistance


Plus ça va, plus la droite envahit la Toile. En ces temps de crise qui se précise hélas chaque jour, j'aurais dû plutôt écrire : moins ça va, plus les propos ineptes, non argumentés et réactionnaires envahissent Internet. Je m'en suis aperçu à la teneur des commentaires sur divers blogs que je consulte régulièrement. La droite a compris l'importance des nouveaux médias, elle aura mis le temps. Mais comme les plagiaires elle aura heureusement toujours deux ou trois métros de retard, à moins que le pouvoir ne lui facilite la tâche en censurant l'expression sous diverses formes voilées auxquelles adhère sans s'en rendre compte une partie de ce qu'il est coutume d'appeler abusivement la gauche. La planète n'était déjà pas au meilleur de sa forme, rendue exsangue par l'ultra-libéralisme, forme cynique et arrogante du capitalisme, mais nous sommes entrés depuis peu dans une logique inique et suicidaire qui dépasse les bornes.
La liste est longue des signes dépresseurs : l'État renfloue les bandits du secteur bancaire, il accumule les lois répressives au lieu de développer l'information et la formation, la religion envahit l'espace public et laïque, les riches se sucrent et les pauvres tirent la langue, les marchands d'armes s'en fichent plein les poches, les pollueurs s'en donnent à cœur joie, les victimes continuent à voter pour leurs bourreaux, le colonialisme a repris du poil de la bête sous de nouveaux masques, etc. etc. Je repense à l'évêque brésilien qui, affirmant que le viol est moins condamnable que l'avortement, excommunie à tour de bras alors que la gamine a neuf ans, c'est dire ce qu'il pense des femmes ! Dans Libération, la liste des artistes mal informés qui soutiennent la loi absurde, inapplicable et répressive sur Internet (Hadopi) est renforcée par une quatrième de couverture désespérante (mieux vaut lire dans le numéro de samedi l'entretien avec Benjamin Bayart)... Je découvre encore que le Pôle Emploi (fusion ANPE-Assedic) a payé 500 000 euros leur logo alors que les Assedic cherchent des noises aux chômeurs sous le moindre prétexte (vous avez bien lu, 500 000 € pour un logo... En plus il est laid à mourir ! Pour l'anecdote, Geoffroy Roux de Bézieux est président de Mobile Virgin France et de l’Unedic). Etienne Mineur, sur le même lien que je viens de souligner, nous gratifie de l'arrogance de Jacques Séguéla pérorant que "si à 50 ans on n'a pas une Rolex, on a raté sa vie !" Comment s'étonner ensuite des idioties que laissent certains internautes en commentaires si nous sommes abreuvés d'aussi pitoyables exemples ?
Non, mais je ne vais pas commencer la beaucoup trop longue liste des sujets de déprime alors que le soleil printanier nous exhorte à prendre l'air. Pourvu que ce soit sur celui des lampions (j'ai croisé une énième manif à République en allant chercher mes nouvelles lunettes) et que l'on ne sombre pas avec tous les déçus dans une révolution en chemises brunes. C'est toujours le danger en cas de crise lorsque la population n'est pas du tout formée politiquement et que son immense majorité répète stérilement le discours creux et efficace seriné par la presse, que ce soit les chaînes de télévision à la botte du gouvernement ou les quotidiens qui appartiennent presque tous aux marchands d'armes évoqués précédemment.
Moralité : il n'y en a pas.

mardi 10 mars 2009

Big Brother is watching you


Marie-Jésus m'envoie une photo époustouflante prise par David Bergman lors de l'investiture de Barack Obama le 20 janvier dernier. En zoomant sur le public, on peut distinguer presque chaque personne dans la foule !
La caméra-robot a une définition de 1 474 megapixels, soit 295 fois plus de puissance que les photos à 5 megapixels des caméras familiales. Une seule photo et la possibilité de "ficher" un million de personnes ? Pas exactement ! Le site Gigapan donne moulte explications sur le système : le robot permet à votre appareil de prendre des milliers de photographies que le système réassemble en une seule grande image et de placer sur le site de Gigapan, cough, cough !

lundi 9 mars 2009

Closed Zone, le siège de Gaza


Poptronics signale ce soir ce petit film d'une minute trente réalisé par Yoni Goodman, directeur de l’animation de Valse avec Bachir.
Closed Zone a été mis en ligne le 4 mars par des activistes pacifistes israéliens, le Gisha Legal Center for Freedom of Movement. Annick Rivoire donne suffisamment d'informations dans son article pour que je n'ai pas besoin d'en rajouter...