70 Humeurs & opinions - août 2009 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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dimanche 23 août 2009

À La Ciotat l'immobilier pollue les sols


Tout a brûlé. Ce n'est pas le feu. C'est le sel. Jean-Claude arrose depuis vingt ans son jardin avec l'eau d'un forage à quarante mètres sous terre. Il y a deux mois il remarque un dépôt blanchâtre autour des arbres, mais ne s'en soucie pas outre mesure. Au troisième arrosage, tout commence à crever. La haie de noisetiers qui longe le chemin de l'ancienne voie ferrée, le prunier, les néfliers, le noyer et les deux potagers se fanent à une vitesse grand v. Tous les voisins avec des puits constatent le même désastre. Les analyses sont formelles : la conductibilité de l'eau (c'est le sel et les métaux lourds) est montée à 12600 quand la norme est à 1000. De sérieux soupçons pèsent sur la société Kaufman & Broad qui a creusé deux sous-sols de parking en bordure de mer. L'eau salée a été probablement aspirée par la nappe phréatique. Comment peut-on autoriser de telles constructions ? Qui osera s'attaquer à une société aussi puissante ? Les riverains espèrent que le CIQ du Vallat de Roubaud, comité d'intérêt du quartier, se mobilisera. Dans le quartier du Clos des Plages, il n'y a plus d'eau du tout, les puits sont à sec. Un journaliste stagiaire de La Provence a réalisé une enquête étayée, mais on attend toujours la parution. Le quotidien peut-il se passer de ses annonceurs ? En se promenant le long de la plage, on est surpris par la surface qu'occupe le projet immobilier. La surprise devient saumâtre lorsque l'on en constate la profondeur. Et jusqu'à deux cent mètres à l'intérieur des terres, les Ciotadens regardent leurs jardins dépérir. La spéculation immobilière ne s'embarrasse pas de ces détails. On bétonne toujours sans se préoccuper le moins du monde de la plus élémentaire écologie. Si la municipalité ne prend pas rapidement ses responsabilités, il faudra creuser cette fois de ce côté pour comprendre...

P.S. : procès d'intention injuste de ma part envers La Provence, l'article est paru !

mercredi 5 août 2009

Le surchoix


À la troisième bouteille nous avions largement dépassé le stade des confidences pour entrer de plein pied dans les généralités sur le sens de la vie. Cette philosophie de bistro nous entraînera tard dans la nuit vers des horizons évidemment inaccessibles, puisque le propre de l'horizon est justement de repousser sans cesse ses limites au fur et à mesure que l'on s'en approche.
Il faut bien toute une vie pour comprendre qui l'on est, et encore ! Encore faut-il vivre suffisamment longtemps et avoir la chance et la force d'en recommencer perpétuellement l'analyse, jusqu'à ce que mort s'en suive, seule date butoir qui nous dispensera de la course d'obstacles et nous affranchira de la douleur. Car c'est bien à notre tolérance à la souffrance que l'on pourra jauger notre bonheur, concept d'ailleurs aussi volatile que l'horizon et l'instant présent. La souffrance que l'on inflige à nos proches n'est jamais que la projection de celle qui raisonne brutalement en notre chair, induite par les mécanismes de la psyché, séquelles d'une névrose familiale à laquelle personne n'échappe. Nous n'avons comme salut que notre détermination à l'identifier et à la circonscrire au passé, soit tout ce qui n'est pas soi, ce à quoi s'oppose l'être du cogito cartésien, moi, mes choix, mes désirs, désirs à ne pas confondre avec nos fantasmes, les uns relevant du rêve, les autres du cauchemar.
La médiocrité n'est pas l'apanage de l'autre. Notre colère ne s'exerce que dans ce qui nous meut. Renversant la citation rimbaldienne "je est un autre" sans la contredire, concédons que l'autre soit en soi. C'est celui-là qu'il s'agira d'accepter, d'apprivoiser délicatement, après en avoir subi les coups les plus rudes. Rien ne sert pour autant de se morfondre sur le passé, seul l'avenir offre des perspectives, le présent s'évaporant à l'instant-même où on le frôle. Ne pouvant revenir en arrière pour réparer nos erreurs, nous n'avons d'autre choix que de ne pas les perpétuer. La culpabilité ancestrale habillant les remords d'une morbide impuissance, la responsabilité ouvre grandes les portes de l'impossible, soit le réel. La seule question qui importe est celle du choix que nous exerçons, que nous nous devons de redéfinir sans cesse, et les méandres pour tendre vers ce but en deviennent accessoires. Jamais nous n'atteindrons quelque cible, car il ne s'agit pas d'une ligne, d'un segment, mais d'un vecteur. Notre propos est de tendre vers. De cette suite d'instants décisifs, répétables à loisir, naîtra l'homme nouveau, l'ève future, prêt à remettre inexorablement son titre en jeu. Le matin ne pas se raser les antennes répétait le poète. Entendre que la sagesse vient en marchant et qu'il est doux de vieillir, maturation des vieux fûts qui accoucheront des prochains (que sera,) sera.
La crise individuelle révèle celle d'une société incapable de se remettre en cause, d'imaginer qu'il puisse en être autrement. Résoudre l'une sans l'autre tient du pari stupide...
Parti me coucher, j'ai la surprise de me réveiller au milieu de la nuit avec l'étrange impression d'avoir continué mes élucubrations jusque dans le sommeil. Mon réveil vaseux ayant mis fin à mes réflexions je me laisse à nouveau glisser dans les bras de Morphée. Tandis que ses ailes féminines me caressent le crâne, ma migraine s'estompe comme par enchantement.