70 Humeurs & opinions - mars 2011 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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lundi 28 mars 2011

Le Hoax du Hoax


Sur le Net nous recevons régulièrement de fausses informations, canulars ou manipulations médiatiques, dont nous devons vérifier la véracité sur les sites de Hoax avant de les renvoyer à nos listes de mails amis.
Ces dératés ne sont pas l'apanage d'Internet à en juger par le manque de rigueur professionnelle dont a parfois fait preuve la presse papier (affaire du RER, cimetière de Carpentras, charnier de Timisoara, etc.). Essentiellement aux mains de quelques individus liés au pouvoir de l'argent et dépendant souvent des dépêches distillées par les organes gouvernementaux, la presse n'a hélas pas de leçon d'indépendance à donner aux blogueurs plus ou moins amateurs qui lèvent régulièrement des lièvres. L'attentat du 11 septembre en est la preuve flagrante, car si les théories conspirationnistes peuvent revêtir une part de fantaisie paranoïaque la version officielle est carrément invraisemblable.
Récemment la pétition sur l'interdiction des plantes médicinales à laquelle Thierry Thévenin a apporté un démenti et que Francis Giot, président de Nature et Progrès, a commentée, s'est avérée une manipulation. Elle n'est pourtant pas complètement à côté de la plaque et a le mérite de poser des questions sérieuses. Si la méthode ne se moquait pas des signataires crédules on pourrait aussi prétendre que prêcher le faux pour connaître le vrai fait quelque fois ses preuves !
Pour avoir régulièrement vérifié les mails alarmistes sur des sites de contrôle de ces canulars informatiques j'ai constaté néanmoins avec surprise qu'ils étaient parfois aux mains d'individus dénonçant des allégations pourtant véridiques ! Voilà environ deux ans que la droite a compris l'importance du Net et s'est mise à contre-attaquer. Des propos réactionnaires ont par exemple envahi les commentaires des blogs. Or rien ne prouve que les dénonciations de Hoax ne soient pas elles-mêmes des Hoax ! Il ne suffit donc pas de faire une recherche avec le sujet du mail acoquiné au terme Hoax pour être certain que la réponse soit juste. L'information est aujourd'hui un corps d'armée de plus en plus actif sur le terrain des nouveaux médias. Tel gouvernement crée de faux comptes, tel autre censure, tel autre encore inonde de Hoax nos boîtes à lettres et tous de faire de la rétention d'informations évidemment. Seul son propre discernement et une enquête un peu plus poussée permettront de trier le bon grain de l'ivraie. Rien d'exceptionnel, c'est à l'image de toute la vie politique où les candidats aux élections promettent à tire-larigot des réformes qu'ils ou elles ne pourront évidemment pas tenir.
Méfions-nous donc, un Hoax peut en cacher un autre !

vendredi 18 mars 2011

Deux poids deux mesures


J'enrage. En me relisant je pense à la phrase de Michel vers la fin de Adieu Philippine : "Il y a tout de même des choses plus sérieuses dans la vie !".
Voilà deux fois que je perds mes lunettes dans les transports parce que ma chemise ne possédait pas de poche sur mon cœur. La première, j'ai cru les y ranger, mais elles ont glissé et la rame de métro est partie avec ma paire vert et violet. Cette fois les orange et bleu sont restées dans le taxi qui m'amenait à la Gare Montparnasse. La ligne 11 étant très perturbée, j'ai fait le malin en descendant à République pour filer jusqu'à Strasbourg Saint-Denis et rejoindre la 4... Sauf que la correspondance est en travaux. Les rues sont partout bloquées par des camions de livraison. Il fait chaud dans le taxi. Elles sont certainement tombées par terre lorsque j'ai ôté mon pull-over.
Elles représentent à mes yeux la seule manifestation flagrante de mon âge. Le "léger" embonpoint est un peu démoralisant, réclamant une régulation quotidienne de ma gourmandise, mais la vue qui baisse m'oblige à arborer en permanence une prothèse handicapante sur mon nez. J'ai commencé par la presbytie et depuis peu la myopie a montré le bout du sien. J'ai des lunettes pour voir de près, d'autres pour conduire ou regarder des films sur grand écran, et une troisième paire dite intermédiaire pour lire à bout de bras et converser sans postillonner dans la figure de mes interlocuteurs. J'avais commencé ainsi ce billet dans le TGV qui m'emportait vers La Rochelle, sauvé par les rouges, netteté de 50 cm à un mètre !
J'avais titré L'objet perdu en référence à l'un de mes premiers courts métrages dont la composition consistait en 10% net, 20% flou et 70% noir. Ce jour-là j'évoquais aussi la disparition de Séverin Blanchet dans un attentat à Kaboul. Aujourd'hui est enterré son frère Vincent, auteur avec Jean Monod de l'extraordinaire Histoire de Wahari, entre autres.
Jean Renoir racontait que dans une catastrophe le nombre de morts importe peu, car s'il n'y en a qu'un et que c'est moi, d'une certaine façon c'est plus grave. En vieillissant, j'ai des doutes. La catastrophe japonaise me rend terriblement triste. Quoi qu'il arrive désormais il y aura un avant et un après. Si le vent tourne, cinquante millions d'individus sont condamnés. L'expérience suffira-t-elle à enrayer la course à l'abîme ? On nous ment bien évidemment. Comme on nous a menti pour Tchernobyl. Dès le début de l'annonce, Pierre Oscar Lévy a été clair sur son blog. Le scénario le moins alarmiste est horrible. Qu'ai-je à faire de mes lunettes dans cette perspective ?
Apparemment sans rapport avec tout cela, j'ai participé hier à une table ronde sur les modèles économiques au WebTV Festival avec des gens très chouette. Je me suis tout à coup demandé si mon projet d'après Ramuz ne convenait pas exactement à une fiction pour le Net et la télé. Françoise suggérait déjà de le transformer en feuilleton. Fukushima fait virer l'anticipation de mon scénario en une interrogation critique de plus en plus en phase avec l'actualité. Il serait temps que chacune et chacun se demande ce qu'il fera quand le message nous parviendra. Nous vivons un tournant déterminant dans l'histoire de l'humanité. Saurons-nous en tirer l'enseignement qui sauve notre Terre ou les hommes préféreront-ils tout détruire plutôt que reconnaître leurs erreurs ? La honte est sur nous tous de ne pas savoir empêcher l'horreur.

mardi 8 mars 2011

Fleischer tente vainement de vampiriser Godard


Dans Le rebelle (The Fountainhead) de King Vidor, après avoir déclaré "Je suis prêt à tout pour vous anéantir", le journaliste Elsworth Toohey interprété par Robert Douglas demande à l'architecte Howard Roark (sublime Gary Cooper) ce qu'il pense de lui et Roark de répondre "Mais je ne pense pas à vous."
Je ne peux m'empêcher de faire le rapprochement avec Alain Fleischer dont les manifestations sont toutes plus odieuses les unes que les autres. Dernière en date, son nouveau livre, Réponse du muet au parlant (titre emprunté à Jean-Luc Godard lors de sa réaction à un célèbre entartrage), remet le couvert, fustigeant l'influence de Godard et son hypothétique antisémitisme, basé sur son seul témoignage. Godard, de son côté, n'a jamais cherché à se disculper, quitte à cultiver les ambiguïtés.
Quelle meilleure façon, pour un médiocre, de laisser une trace dans l'Histoire que de coller comme une sangsue à un artiste qui incarne à lui seul toutes les Histoires du cinéma et une figure clef de la seconde moitié du XXe siècle ? Déjà ses Morceaux de conversations avec Jean-Luc Godard étaient d'une telle vacuité que ce témoignage sans âme représente une des rares prestations godardiennes sans aucun enseignement ni aucun éclat. Des dispositions contractuelles auraient-elles forcé le cinéaste à laisser publier en DVD ce cursus de neuf heures indignes de lui ?
Quant à la polémique concernant l'antisémitisme des antisionistes ou de ceux qui condamnent la politique d'Israël, il me paraît chaque fois indispensable de rappeler qu'il existe de plus en plus de Juifs à savoir faire la différence. On peut être en désaccord total avec un état colonialiste depuis sa création sans être antisémite. On peut préférer la diaspora à la confusion d'un état avec une religion sans être antisémite. On peut être choqué de voir un peuple pratiquer le genre d'exactions dont il fut victime sans être antisémite. On peut être honteux de voir le peuple de ses origines sectionner ses racines par la violence du sabre et du goupillon sans risquer d'être traité d'antisémite. On peut être juif sans être sioniste.
Si jamais tous les Juifs étaient vraiment originaires de la Terre Promise (lire Schlomo Sand), alors les Palestiniens sont nos cousins sémites. On ne peut donc être sémite sans se battre pour que tous vivent pacifiquement sur leurs terres. Ensemble. Être antisioniste, c'est défendre la laïcité de l'État, ici et ailleurs. Être antisioniste, c'est rejeter le colonialisme. Être antisioniste pour un Juif, c'est défendre sa culture, car jusqu'à la création d'Israël les Juifs avaient su résister à toutes les persécutions sans ne jamais être du côté du manche. Ils n'avaient que leur intelligence. Artisans, philosophes, commerçants, banquiers, artistes, scientifiques, tous les chemins n'étaient certainement pas aussi louables, mais lorsque certains prirent les armes, dès le début de l'invasion nazie, avec leurs frères immigrés de toutes origines dans une France de lâches et d'idiots, ce fut pour commettre des actes de Résistance. Les temps ont changé, les rôles sont inversés. Aujourd'hui, sur les traces des pays arabes, le peuple d'Israël saura-t-il se soulever contre ses gouvernements iniques ou continuera-t-il à propager son délire paranoïaque en opprimant les Palestiniens, brandissant le génocide de la Seconde Guerre Mondiale comme bouclier contre toute critique de sa monstrueuse politique ?
On me répond qu'Israël a été fondé pour que les Juifs puissent enfin vivre en paix, mais c'est le dernier endroit où, Juif, je me sentirais en sécurité. On tente de museler Stéphane Essel comme on le fit de Daniel Mermet ou Edgar Morin. Fleischer voudrait faire condamner Godard pour se faire un nom quand l'autre interroge encore et toujours nos paradoxes et nos certitudes.

mardi 1 mars 2011

Ella et Pitr lacérés par la voisine


De passage à Paris, Ella et Pitr nous font un cadeau merveilleux en venant coller sur notre mur un de leurs cadres qui invitent les passants à se photographier devant et à leur envoyer par mail. Ils ont déjà reçu plus de 400 photos prises un peu partout où les mènent leurs pérégrinations d'artistes de rue. Chaque affiche étant un original, on reconnaîtra la dédicace à son frontispice. Le cadre noir cavalier a malheureusement fait se cabrer la voisine hystérique dont la spécialité est de tirer à vue sur quiconque pénètre dans "son" allée privée. Dès que nous avons eu le dos tourné la harpie procédurière, une autre de ses marottes, déchire rageusement l'œuvre encore fraîche, allant jusqu'à casser un morceau du mur dont la couleur l'agace déjà puisque tout a le don de la mettre en furie. Elle s'est d'abord acharnée sur le mot Bagnolet, mairie avec qui elle règle des comptes depuis que son père, employé municipal décédé il y a plus de quinze ans, aurait été en litige avec la ville. En bas, le texte invitant les amateurs à mettre un pied sur "son" territoire a été réduit en bouillis. C'est ce qui l'a excitée, nous en aurons confirmation le soir-même lors de l'agression physique dont nous serons victimes, mais j'anticipe... Elle n'est évidemment pas la seule habitante de l'allée, aucun autre ne lui adressant plus la parole ni répondant à ses invectives quotidiennes, tous en conflit ouvert avec la maudite famille, trois sœurs partageant la même agressivité.


L'affaire pourrait sembler absurde, voire rigolote, si cette famille n'était connue dans tout Bagnolet pour ses délires paranoïaques qui leur valut de faire 48 heures de garde à vue il y a une dizaine d'années tant elles étaient ingérables. Je me souviens d'elles se débattant comme des diablesses tandis que les policiers embêtés les jetaient dans le panier à salade, qui n'aura jamais aussi bien porter son nom. L'un tenait les jambes, l'autre les bras. Leur agressivité met généralement de l'animation dans le quartier, car il suffit que quiconque fasse trois pas dans l'allée pour qu'elles sortent aussitôt, l'insulte ordurière à la bouche. L'une d'elles a récemment agressé physiquement notre voisine d'en face et elle recommencera hier soir alors qu'Ella et Pitr étaient sagement en train de néttoyer ce qui restait accroché. Elles abîmeront la caméra de Françoise qui filme leur délire, preuve irréfutable en cas de suite, casseront mes lunettes, puis la porte du jardin tandis que nous sommes rentrés et qu'elles s'acharnent sur la sonnette.
J'ai longtemps cherché à les protéger, sachant que leurs doléances pouvaient parfois se comprendre, comme lorsque les propriétaires de toutous viennent faire déféquer leur animal dans ce coin de campagne non bitumée. Mais les trois furies ne sont capables que de se mettre tout le monde à dos, ne survivant que dans la hargne et la haine. Elles habitent pourtant au fond du chemin, à une soixantaine de mètres de la rue. Leur prétention à tout régenter fait évidemment l'impasse sur notre mur de vingt-cinq mètres. Rien n'autorise quiconque à le saccager, encore moins dégrader une œuvre d'art, d'Ella et Pitr qui plus est, deux artistes aussi gentils que talentueux. Ella était toute retournée. Il n'est jamais facile d'être confronté à la folie.


Notre joie n'aura pas fait long feu. Nous nous voyions tirer le portrait de tous nos visiteurs devant le tableau d'Ella et Pitr (papierspeintres représentés par la galerie Le Feuvre). Faut-il être bête et méchant ! C'est marrant, je me souviens de Jacques Brel soutenir qu'il n'y avait pas de gens méchants, mais seulement des gens bêtes. Nous savons hélas qu'il n'y a pas grand chose à faire. Passer notre chemin, en laissant les chiens aboyer pour nous focaliser sur les mésanges qui sont de retour.

P.S.: les harpies m'ayant mis la puce à l'oreille, je suis passé à la Mairie et j'ai découvert au cadastre que nous étions propriétaires d'une partie de l'allée tout le long de notre parcelle ! Voilà treize ans qu'elles me font croire, et aux autres voisins, qu'elles possèdent l'intégralité de l'impasse...