70 Humeurs & opinions - septembre 2012 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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dimanche 30 septembre 2012

Une vie


Nous étions près de 100 000. Il faisait beau. Françoise s'était fabriquée une petite pancarte : "On a une seule vie. Ici. Maintenant." C'était sans compter les années de lutte qu'on a derrière soi puisque l'on ne peut rien présumer de l'avenir. Mais on ne vit pas sur le passé. Ici, dans le contexte de la manifestation pour une Europe solidaire contre le Traité de l'austérité, la phrase revêt tout son sens. Déplacée, par exemple dans un paradis fiscal, elle aurait pu renvoyer au cynisme des quelques riches qui dirigent la planète. Ici, c'est la partager avec 98% de la population dont une grande partie est encore suffisamment endoctrinée par les grands médias pour voter contre ses intérêts. Maintenant, ce n'est pas tergiverser en repoussant les urgences au calendes grecques. Les états continuent de s'endetter en empruntant à des taux d'usure aux banques privées qui, elles, ne versent que 1% à la Banque Centrale. Les pauvres seront plus pauvres. Les riches plus riches. La crise plus critique. Et la calotte glaciaire continue de fondre, plus vite que nos économies.

vendredi 14 septembre 2012

L'assoiffé de Guru Dutt, chef d'œuvre hindi en DVD


Bollywood, ce ne sont pas que des bluettes avec chants et danses dont les décennies marquent chaque fois le style. Il existe des chefs d'œuvre inoubliables où la réflexion philosophique rivalise avec la tendresse, le lyrisme avec l'humour, la lutte des classes avec une critique du machisme, le clair-obscur avec l'intelligence du montage ! Il en est ainsi de L'assoiffé (Pyaasa), réalisé en 1957 par le génial Guru Dutt, à la fois réalisateur et acteur, que Carlotta publie en coffret de 2 DVD avec Le maître, la maîtresse et l'esclave (Sahib Bibi Aur Ghulam) qu'il a produit en 1962, mais qui est signé par son dialoguiste, Abrar Alvi. Si la musique et les chansons de L'assoiffé sont merveilleusement envoûtantes, le passé chorégraphique de Dutt en pointe le rythme tout en ruptures de ton, avec une incroyable variété d'émotions. On passe d'une sorte de néo-réalisme à l'indienne à une séquence surréaliste, d'une scène d'action à du pur burlesque. De plus, j'ai toujours adoré les avant-plans comme chez Ophüls, laissant deviner l'action derrière des premiers plans qui font sens. Les focales jouent de la profondeur de champ et du flou, et les gros plans au 100mm ont conservé le nom de leur auteur. Son noir et blanc est à couper le souffle. La musique ne consiste pas ici en intermèdes comme c'est souvent le cas dans les films de Bollywood, elle est partie intégrante du récit. Les chansons ne sont d'ailleurs pas précédées d'introductions instrumentales pour ne pas casser le rythme.
En bonus le documentaire À la recherche de Guru Dutt de Nasreen Munni Kabir tourné en 1989 éclaire la vie passionnante de Guru Dutt dont les films réfléchissent la propre histoire, artiste tiraillé entre l'échec et le succès, et entre deux femmes dont l'une dans la vie prêtait sa voix à ses actrices quand l'autre jouait merveilleusement dans ces deux films. Les nombreux extraits qui l'émaillent donnent envie de voir les sept autres comme Fleurs de papier (Kaagaz Ke Phool) qui ruina le maître de Bombay.



Dans cette autre scène de L'assoiffé Mohammed Rafi prête sa voix à Dutt :
"Ce monde où l'homme est un loup pour l'homme,
Qui n'a d'autre appétit que l'or et l'argent,
Qui voudrait d'un monde pareil ?
Chaque corps est meurtri
Et chaque âme assoiffée
Tous les regards se voilent
Et tous les cœurs s'affligent
Le monde entier est frappé de stupeur
Qui voudrait d'un monde pareil ?
De toute vie humaine vous avez fait un jouet
Et vous n'adorez que ceux qui ont trépassé
La mort en ce bas monde vaut moins cher que la vie
Qui voudrait d'un monde pareil ?
Jeunesse fourvoyée sur le chemin du vice
Qui te livres au commerce de tes tristes appâts
L'amour n'existe plus si ce n'est monnayé
Qui voudrait d'un monde pareil ?
Ce monde qui fait fi de toute humanité,
Dédaigne l'amitié et la fidélité
Et où l'amour est sans cesse dépecé
Qui voudrait d'un monde pareil ?
Qu'on le brûle, qu'on le livre aux flammes !
Qu'on l'ôte de ma vue !
Il est à vous ce monde, faites-en votre affaire !
Qui voudrait d'un monde pareil ?"

Guru Dutt s'est suicidé à l'âge de 39 ans.

jeudi 13 septembre 2012

Foutage de gueules


L'iconographe de Libération a l'art de choisir les photos de Jean-Luc Mélenchon illustrant les articles tout aussi retors du canard dont Édouard de Rothschild est le principal actionnaire. En une hier Daniel Cohn-Bendit fait face au public, l'air réfléchi et serein, tandis que son contradicteur semble se foutre de ce qu'il pense, lui jetant un œil de travers. Paris-Match avait bien saisi le poids des mots, le choc des photos ! La hargne avec laquelle le quotidien taille un costard au responsable du Front de Gauche depuis la campagne présidentielle n'est surpassée que par la mauvaise foi du Nouvel Observateur. C'est de bonne guerre, me direz-vous, lorsque l'on se fait les chantres de la social-démocratie et de la collaboration avec le pouvoir de la finance.
Le débat, fort des questions symétriques posées à l'ancien gauchiste devenu socio-libéral et à l'ex-membre du PS qui s'est radicalisé depuis qu'il est revenu de son vote pour Maastricht, est clair. Cohn-Bendit suggère de s'enferrer et d'agir ensuite. Mélenchon critique inlassablement l'hypocrisie européenne telle que ratifiée depuis 1992 et contre laquelle le peuple français avait voté non en 2005 sans que les gouvernements successifs prennent ce choix en compte. Nous espérons donc être nombreux à manifester le 30 septembre contre le TCSG (Traité de Stabilité, de Coordination et de Gouvernance) qui laisserait à des technocrates non élus le soin d'imposer aux états la gestion de leur économie, et de ce pas d'imposer une austérité permanente aux plus démunis, à savoir, au train où l'écart de richesse se creuse entre les riches et les pauvres, à près de 90% de la population !