Parti déposer un colis à la Poste des Lilas j'enfourche mon vélo, évitant deux piétons qui zigzaguent autour de la bouche de métro. De la poche du plus éloigné tombe une épaisse enveloppe entourée d'un élastique. Je crois reconnaître une liasse de billets verts. J'accélère pour rejoindre l'étourdi tout en demandant à l'autre passant de bien vouloir ramasser le paquet. Dix mètres plus loin et quelques secondes plus tard, devant la Mairie, j'explique au premier type qu'il a perdu quelque chose. Un peu ahuri il met du temps à comprendre. Je me retourne en lui expliquant que l'autre... Mais l'autre type a disparu. Depuis l'autre côté de la rue un déménageur me fait comprendre que le voleur s'est engouffré dans le métro. Mon vélo m'empêche de continuer ma course-poursuite. Peut-être que le pauvre gars qui m'explique que ce sont essentiellement ses papiers d'identité aura retrouvé le salopard d'après le portrait-robot que je lui en ai fait, mais j'en doute.
Les temps sont durs. Comment moraliser un paumé lorsqu'au plus haut niveau de l'État règne une bande d'escrocs ? Notre quotidien est façonné par les exemples que livre l'actualité. Menteurs cyniques, goinfres sans scrupules, cumulards bornés, trop de politicards calquent leurs ambitions vénales sur les financiers qui les ont soutenus. À un jeune chauffeur de taxi je demande quel est son but dans la vie ? Il me répond "gagner de l'argent". On ne devient pas riche, on le naît. Il prend la question à l'envers. La seule chance de s'en sortir pour un roturier est de développer sa passion. Au mieux cela finira par payer parce qu'il s'approchera de l'excellence, au pire il se sera épanoui en faisant ce qu'il aime.