70 Humeurs & opinions - janvier 2015 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 30 janvier 2015

Les Baras menacés d'expulsion à Bagnolet


Depuis cet été le collectif des Baras squatte l'antenne Pôle-Emploi désaffectée de Bagnolet. Les sans-emploi ont laissé la place aux sans-logis !
Ce sont des Maliens, des Burkinabés, des Ivoiriens, des Togolais, des Camerounais qui travaillaient en Libye jusqu'à ce que la guerre les chasse. Ils refusent le terme de sans-papiers dont la France les affuble, car ils ont ceux de leurs pays et des titres de séjour européens sans valeur ici, contrairement aux Français en Afrique dont les papiers sont reconnus. Alors qu'ils pensaient rejoindre la patrie des Droits de l'Homme ils ne se sentent pas considérés comme êtres humains. Pour eux la France doit assumer les conséquences de la colonisation et de la guerre en Libye dont elle est directement responsable.
Depuis décembre 2012 on les trimbale, de squat en squat, d'expulsion en expulsion, de promesse de Gascon en procès. Ils ont commencé par habiter dans un immeuble montreuillois appartenant au Conseil Général. Chassés, ils restent six mois devant le Foyer des Baras, mais ils sont évacués à nouveau par les forces de "tranquillité publique". Réfugiés sur le terrain vague des Guilands, ils le quittent la nuit-même et investissent un pavillon vide. Certains sont toujours là-bas. Le Tribunal les juge trop nombreux, les obligeant à investir la cave. Ils se retrouvent alors dans un immeuble d'une société américaine, Emerson Network Power, mais après onze mois, leur expulsion est à nouveau programmée. Des élus de Montreuil et Bagnolet participent à une manifestation de soutien, mais tous prétendent n'avoir aucun pouvoir pour les régulariser et les loger. Un incendie les pousse dehors. Ils campent devant la Mairie de Bagnolet, d'où, encore une fois chassés, les voilà sous l'échangeur autoroutier ! Le 10 août 2014 ils ouvrent alors l'immeuble vide du 72 rue René Alazard à Bagnolet, anciennement loué par Pôle-Emploi à la multinationale Natixis. Aujourd'hui, à l'approche de la fin de l'hiver, la banque internationale de financement, de gestion et de services financiers du Groupe BPCE, deuxième acteur bancaire en France, lance une procédure d'expulsion, les renvoyant au tribunal de Pantin où leur procès s'ouvre mardi 3 février à 11h30. Ils espèrent mobiliser des soutiens à cette occasion.
Grâce à leur lutte certaines familles ont été relogées, mais les 200 qui restent sont des hommes seuls, travailleurs, étudiants, pères de famille. Baras signifie "travailleur" en bambara. Nombreux attendent en vain leur régularisation, des employeurs pouvant attester d'une promesse d'embauche. Ils ne souhaitent qu'une chose, être régularisés pour avoir un emploi légal qui leur permettra de payer un loyer. En attendant, sans statut, ils sont exploités dans les secteurs du nettoyage, du bâtiment, du gardiennage, de la restauration... Les critères restrictifs imposés par la loi ou par la circulaire Valls de novembre 2012 les poussent à vivre dans cette irrégularité. Ils demandent que le préfet les reçoive pour envisager une solution digne. Mais leur combat est aussi politique : ils réclament l'arrêt des contrôles au faciès subis quotidiennement dans les transports, aux abords des squats et foyers ou des endroits où ils cherchent du travail, ils demandent la libération de tous leurs camarades arrêtés et la fermeture des centres de rétention. Les mairies et l'État disposent de bâtiments vides sans réel projet qui permettraient de reloger les Baras restés à Montreuil, ceux de Bagnolet ou des foyers Adoma, mais personne ne bouge, faisant la sourde oreille, ajournant les rendez-vous, méthode classique de fin de non-recevoir.

N.B. : les Baras organisent un rassemblement samedi à 11h devant la Mairie de Bagnolet, suivi, juste après, d'un déjeuner de soutien au squat, 72 rue René Alazard, qui leur permettra de payer leur avocate. C'est à l'heure des repas que l'on peut juger de la solidarité qui s'exerce entre eux, car tous n'ont pas toujours du travail, même au noir.

P.S. : cent mètres plus haut, dans la même rue, mais aux Lilas, 42 rue des Bruyères, les salariés de la blanchisserie RLD manifestent également à 11h pour le retrait du projet de plan social consistant en 72 licenciements avec fermeture du site des Lilas.

dimanche 11 janvier 2015

Point de vue de Boris Cyrulnik, neuropsychiatre


Je n'ai pas l'habitude de renvoyer vers une vidéo sans rédiger d'article, mais le remarquable entretien de TV7 Sud-Ouest avec Boris Cyrulnik me semble indispensable pour comprendre la situation politique actuelle, et je ne voudrais pas que mes prises de position sur les réseaux sociaux viennent court-circuiter son commentaire. Ces 26 minutes méritent que l'on prenne son temps pour en prendre connaissance (et puis elle est un plus longue que d'habitude à s'afficher, patience ! Cela vaut le coup...).

jeudi 8 janvier 2015

Abattu


Je n'ai pas pu retenir mes larmes. Il m'a fallu plusieurs heures avant de me ressaisir, et encore ! Le massacre de Charlie-Hebdo est un acte de guerre, car il n'est de terrorisme que d'État. Alors par qui les salauds qui ont commis cet acte barbare sont-ils soutenus ou, plus exactement, manipulés ? À qui profitera le crime? Tout est possible. Ce n'est pas parce que les fous de Dieu crient "Allahu akbar" qu'ils ne peuvent pas être infiltrés et téléguidés, de tous côtés. Le terrorisme est une arme à double tranchant, jeu dangereux, sac de nœuds complexe.
La politique économique et les guerres que la France mène en Afrique et au Moyen-Orient, la stigmatisation imbécile des musulmans sont des pousse-au-crime. D'un autre côté, toutes les religions ont enfanté un jour des extrémistes et des assassins. Oh Dieu, que de crimes n'a-t-on pas commis en ton nom ! Mais attention aux amalgames, la très grande majorité des musulmans ne partagent absolument pas le point de vue des assassins, comme il est quantité de juifs dans le monde qui fustigent la politique coloniale d'extrême-droite du gouvernement israélien et que tous les catholiques ne sont pas aussi bouchés que les couillons de la manif pour tous. Et puis, de quelle nationalité sont les fusils avec lesquels les crimes sont commis ? N'oublions pas non plus que l'occident a armé les islamistes pour qu'ils combattent les communistes. Ils ont retourné ces mêmes armes contre leurs fournisseurs. Peut-être que les jours qui viennent nous permettront de comprendre les enjeux de cette abominable tuerie qui a touché des libres-penseurs, des journalistes, des artistes, des types dont le sens de l'humour ne plaisait pas forcément à tout le monde, boucs-émissaires de la folie des hommes.
Quoi que nous réserve l'avenir, nous ne nous tairons pas et nous devrons rester vigilants pour ne pas être manipulés à notre tour. Ici et là-bas les solutions ne peuvent être que politiques.

Le texte sur fond beige est de Joann Sfar.