70 Humeurs & opinions - septembre 2016 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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jeudi 22 septembre 2016

Extinction des feux


Que restera-t-il du rayonnement de la France à l'étranger après le démantèlement de sa culture ? L'Hexagone a longtemps joui d'une réputation exceptionnelle malgré sa taille et son pouvoir économique relativement riquiquis. Le coq serait-il une grenouille qui se veut aussi grosse que le bœuf ?
Lorsqu'un étudiant voulait apprendre la philosophie il n'avait le choix qu'entre l'Allemagne et la France. On l'appelait aussi le pays des Droits de l'Homme. Nombreux états étaient restés francophones. C'était aussi la langue des diplomates. Depuis trente ans, qu'ils soient explicitement de droite ou qu'ils fassent semblant d'être de gauche, nos gouvernements successifs n'ont eu de cesse de diminuer les crédits à la culture. Oh, il reste encore des cinéastes, des écrivains, des musiciens, des plasticiens, des photographes, des danseurs, etc., des intellectuels comme on s'enorgueillissait, mais leur statut est de plus en plus précaire. L'exception culturelle est menacée par le TAFTA. Les actionnaires n'ont que faire de la renommée, ils briguent des dividendes, un point c'est tout, un point sur le caca-rente. Les artistes ont toujours été le dernier rempart contre la barbarie.
Quant aux Droits de l'Homme, ils n'ont jamais été autant bafoués depuis Vichy. Nous sommes loin de l'époque où nous accordions le droit d'asile aux réfugiés politiques et où nous accueillions les immigrations, conséquences des dictatures espagnole ou portugaise, ou de l'indépendance de nos anciennes colonies. Certains pensent-ils que je mélange tout ? Bien entendu. La culture passe par la diversité. L'Allemagne nazie a détruit ses racines en massacrant ses minorités. La France d'aujourd'hui stigmatise les différences et favorise les replis communautaires. Cela sent mauvais. Les anglo-saxons se moquent de notre intolérance sous couvert de laïcité. Tout est encore possible, le pire et le meilleur. La pente est glissante. La résistance s'organise, mais dans le désordre, parce que les uns et les autres ont oublié la solidarité interprofessionnelle. Il n'est par exemple de grève efficace que générale. Comme le clamait en 1960 le papy du film de Jacques Rozier, Adieu Philippine, "En France on n'a pas de pétrole, mais on a des idées." Est-ce encore vrai ? Ou bien imitons-nous les États Unis avec dix ans de retard ? Nous avons enfin nos Républicains et nos Démocrates, mais question culture nos moyens sont loin de ceux de l'industrie américaine qui a toujours su se servir du soft power. L'image de marque et les dividendes.
Mon billet est un peu foutraque. Il m'a été inspiré par ma photographie du somptueux palais qui héberge la Chambre du Commerce et de l'Industrie, avenue Friedland. Un grand écart entre les restes du monde ancien dont on feint l'actualité toujours vivante et la difficulté d'imaginer un autre avenir que celui que nous impose le néo-libéralisme. Un peuple n'existe véritablement que par sa culture, sa langue, sa musique, et sa vivacité ne se régénère que grâce aux sangs nouveaux... La richesse de notre pays tient essentiellement à la variété de ses autochtones, de celles et ceux qui sont venus jusqu'au bout de la terre, le finis terrae de l'Europe, et qui ne se sont pas embarqués pour des terres plus lointaines. Nous sommes tous et toutes venus d'ailleurs...

mercredi 7 septembre 2016

Parpaing


Sans connexion pendant plusieurs semaines, nous avons échappé au dérapage raciste de ces derniers mois. Ainsi la xénophobie entretenue par les Jeux Olympiques se résume à cette simple phrase, de même nous n'avons entendu aucun détail des délires extrême-droitistes et va-t-en-guerre des uns et des autres. Est-ce bien nécessaire de se formaliser encore devant l'absurdité de l'espèce humaine, surtout lorsque l'on est plongé en pleine nature, avec les étoiles au-dessus de la tête et ce qui reste de neiges éternelles devant les yeux ? En revenant à Paris nous avons vécu un fondu lent vers un quotidien moins coloré, mais nous étions contents de retrouver les amis. Nous les avons d'ailleurs invités à nous donner un coup de main samedi pour rentrer le bois pour l'hiver !
La veille de notre retour, je m'étais pourtant déjà heurté à la stupidité et à l'hypocrisie de nos dirigeants. Nous étions descendus à Luchon pour un dernier marché, provision de produits frais à rapporter à Paris, quand au détour d'une rue je suis tombé sur un parpaing en béton la barrant complètement. À l'occasion de la Fête des fleurs, de petits plaisantins avaient peut-être trouvé spirituel de faire une alerte à la bombe ou alors les maires se prémunissent d'accusations de négligence face aux menaces supposées de Daech. Tout au fond, perpendiculaires, les allées d'Étigny verraient bientôt passer les chars fleuris, surveillés par des centaines de gendarmes ! Le sentiment d'insécurité est ainsi bien entretenu par les pouvoirs publics. Pour Daech, cette menace est de bonne publicité, même en pleine débâcle. Pour le gouvernement, ces prétendues précautions camouflent ses agissements honteux, en particulier la Loi Travail dont on n'a pas fini de parler pour autant. En plus de servir les financiers et les riches qui les guident, ces élus sont vraiment nuls. Ils n'empêcheront pas des débiles d'exprimer leur misère mortifère, ni la population de se soulever quand la coupe sera pleine.


Jean m'envoie le lien vers un film qui n'explique pas grand chose des raisons du pouvoir d'envoyer ses flics, mais qui, dans sa première partie, en montre la brutalité et les provocations. Dans la seconde, Alors c'est qui les casseurs ?, en revenant sur les évènements du printemps, soulève la question de la violence révolutionnaire des Black Blocs. Ils s'expliquent, mais il manque une véritable analyse des conséquences politiques et sociales de leurs actions. À l'image des films français de fiction bien pensants, il ne convaincra que ceux qui le sont déjà, et laissera les autres dans leurs propres convictions. Il dure tout de même trente-six minutes. Tout reste à inventer.