70 Humeurs & opinions - mars 2017 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 31 mars 2017

Fin de la trêve hivernale


Quand on ne sait pas quoi offrir, on peut toujours apporter des fleurs, me suis-je dit. Sauf que j'apprends que la plupart des bouquets que l'on achète chez les fleuristes sont traités avec des produits toxiques. Celles de La Ciotat sont sauvages, des jaunes, des bleues, des blanches, lunaires annuelles, ornithogales à feuilles droites, plumbago, pissenlits, que sais-je, auraient donc bien fait l'affaire, mais l'herbe réduite à la taille du blog, on n'aurait pas vu grand chose. J'ai donc rajouté cette grimace au fil de fer. Pris par les livraisons du CD Long Time No Sea et du vinyle de remix à sortir en juin chez DDD, chargé de courses chez les asiatiques de Belleville, je n'avais pas le temps de réfléchir avant d'écrire. D'où l'idée des fleurs.
Mais le 31 mars est surtout la fin de la trêve hivernale et la centaine de Baras qui squattent depuis trois ans le bâtiment de Natixis dans notre rue risquent de voir arriver des cars de Robocops pour les déloger. Ce serait débile pour plusieurs raisons. D'abord parce qu'ils iront squatter ailleurs. Ensuite parce qu'on n'a jamais eu de voisins si tranquilles, surtout dans un "grand" ensemble au milieu de notre quartier pavillonnaire. Interpellé mercredi soir au cours du Conseil Municipal, le Maire de Bagnolet leur a promis de promulguer un arrêt anti-expulsion, mais ce serait, paraît-il, symbolique, car c'est le Préfet qui décide de l'intervention des forces du désordre... Il serait évidemment préférable de les reloger dans des conditions décentes, mais ce n'est hélas pas le sens que prennent les décisions gouvernementales actuelles. Il serait juste que les élus se bougent sérieusement pour résoudre une situation qui profite aux employeurs qui les paient au noir une misère. En tout cas, la rue ne représente pas pour eux une solution, sauf à manifester leur mécontentement pour avoir été chassés de Libye par la guerre que la France y déclencha sous de faux prétextes, sans parler du post-colonialisme qui semble encore avoir de beaux jours devant lui.

jeudi 9 mars 2017

Stratégie, quand tu nous tiens !


Ici du vert, plus loin du rose. Le rouge fait trop peur aux naïfs qui croient que les sondages sont autre chose que de la manipulation d'opinion. Ces instituts appartiennent aux mêmes industriels qui possèdent les médias de masse. On accuse Mélenchon d'être venu à l'écologie bien trop tard. N'est-ce pas préférable aux vendus qui ont fait le chemin inverse ? Tout cela pour un siège à l'Assemblée ! N'est-ce pas mieux de vivre debout ? Mais il y a plus grave, ou plus fin. Par exemple la stratégie non avouée du PS qui révèle en douceur son véritable candidat, Emmanuel Macron ! Les uns après les autres, les socialistes annoncent rallier le candidat des banques. Dans le désordre, mais un désordre bien ordonné, Benjamin Griveaux, Bariza Khiari, Alain Calmette, Marc Goua, Maurice Vincent, Dominique Baert, Jean-Yves Le Drian, Christophe Castaner, François Patriat, Gille Savary, François Loncle, Christophe Caresche, Jean-Marie Le Guen, Alain Rousset, Gérard Collomb, Corinne Erhel, Richard Ferrand, François de Rugy (participant de la Primaire), Florent Boudié, Jean-Pierre Masseret, Jacques Attali, Erik Orsenna, Bernard Kouchner, Bertrand Delanoë, probablement bientôt Claude Bartolone, Ségolène Royal, Patrick Kanner, Juliette Méadel... Hollande lui-même tergiverse avec sa mollesse légendaire. Quant à Manuel Valls, Myriam El Khomri, Dominique Strauss-Kahn, Jean-Marc Ayrault, Stéphane Le Foll, devinez ce qu'ils feront ? Quand on pense à leur Primaire, quelle mascarade !
Mais alors à quoi sert le candide Benoît Hamon ? Tout simplement à piquer des voix à Jean-Luc Mélenchon dont on lui a recopié le programme avec quelques variations pour que les affolés réclament l'union. L'étonnant est que ces prétendus réunificateurs la réclament presque exclusivement au candidat de la France Insoumise ! Le piège se referme. Hamon se ressaisira-t-il lorsqu'il comprendra quel dindon de la farce il fait ? Le parti des traitres, qui a gouverné à coups de 49.3 et imposé la Loi Travail qu'aucun gouvernement de droite n'aurait réussi à faire passer, a choisi Macron en envoyant Hamon au casse-pipe et en espérant qu'il entraîne Mélenchon avec lui. Il ne reste plus d'autre solution que de voter Mélenchon au premier tour pour déjouer cette manipulation aussi savante qu'odieuse. Après s'être débarrassé du Parti Communiste et avoir fait monter le Front National, le PS a besoin de zigouiller définitivement la gauche en France, à l'image des États Unis. Nous pourrons ainsi continuer de guerroyer au Moyen Orient et en Afrique, jouer avec le feu de l'OTAN sur le front de l'est, assassiner les pauvres en enrichissant toujours plus les spécialistes de l'évasion fiscale, et tout cela sous couvert de démocratie, puisque ce sera le résultat d'un vote. Réveillez-vous ! Le monstre n'est pas celui que l'on croit. Le "fachisme" que vous craignez tant peut prendre un autre visage que celui que vous montrez du doigt. Ils veulent nous donner des leçons d'histoire, mais ils ont la mémoire courte, ou bien sautent-ils quelques épisodes ! On savait que la réaction ne se laisserait pas faire. Ils sont encore plus forts que nous le craignions.

mercredi 8 mars 2017

Le combat n'aura pas été vain


Les radoteurs rendent Mélenchon l'unique responsable de l'union impossible, ou du moins très difficile, avec Hamon et Jadot. Comme si l'unité pouvait être le fait d'un seul ! Ces Fouquier-Tinville ne font aucune référence aux programmes des uns et des autres (à leur absence ou à la copie conforme !), différences fondamentales qui engagent l'avenir, ni au récent passif des candidats, ni aux Partis qui les freinent ou aux citoyens qui les encouragent. Ils font la sourde oreille à la méfiance des électeurs qu'on a fait voter pour Hollande en 2012 et à la catastrophe qui s'en suivit. On peut pourtant constater dans quel état la démocratie s'en trouve ridiculisée. La stratégie d'union de la gauche a sonné le glas du PCF depuis l'avènement du Programme Commun. Pourquoi voter pour un parti qui a perdu son autonomie et ses spécificités ? Quant au PS, c'est à croire que Hollande et Valls sont des infiltrés tant leurs talents ont ruiné l'image bon enfant de leur parti. Les socio-démocrates ne veulent jamais aucun bouleversement, seulement calmer les revendications de la population. Pendant ce temps les Trotskystes boudent dans leur coin et les anarchistes répètent avec un certain à-propos le slogan de 68 "élection, piège à cons". La société du spectacle a fini par imposer la mascarade. Au diable les textes, peaufinons notre image, semblent confirmer la plupart des politicards en lice.

Le peu de temps que les médias accordent au candidat de la France Insoumise sur les ondes, ils tirent sur lui à boulets rouges en le caricaturant en possible dictateur, proche de Poutine ! Des sondages bidons, concoctés arbitrairement pour enfumer l'opinion, le donnent perdant. Rappelons que, comme la quasi totalité de la presse, ces instituts appartiennent à des industriels cul et chemise avec le pouvoir, ce qui explique aussi évidemment pourquoi ils se plantent chaque fois, leur but n'étant pas d'évaluer justement. Or les Français aiment gagner. Nombreux sont sensibles à ces arguments et vous rétorquent qu'ils ne voteraient pas pour Mélenchon puisqu'il n'a aucune chance ! Il est certain qu'avec de tels raisonnements on ne risque pas d'écrire une nouvelle Constitution, pour une VIe République où les élus ne l'auraient jamais été, où ils pourraient être révoqués en cours de mandat, où la société civile aurait une place prépondérante, où la monarchie constitutionnelle serait enfin renversée ! Nombreux citoyens qui ont écouté les discours de Mélenchon sur Internet ont rectifié l'image désagréable qu'ils en avaient et découvert un programme en accord avec leurs idées généreuses qui tiennent du bon sens, que ce soit en matière d'écologie ou d'économie, à l'inverse du pouvoir actuel.

Il reste huit semaines avant les élections. Tout peut encore arriver. Fillon se cramponne à son siège éjectable. Des casseroles de Damoclès planent au dessus de Le Pen et Macron. L'aile la plus à droite du PS, qui n'a pas digéré son échec à ses Primaires, est encline à rejoindre Macron, contrairement à ses engagements internes. Dans la charrette des traitres, on retrouve Cohn-Bendit, Royal, Collomb, Ferrand et même Braouezec. Il y a un parfum de Hue dans cet équipage équestre où les places assises sont très convoitées ! Face à cette débâcle opportuniste, Hamon peut leur céder et révéler un visage conforme à la méfiance qu'il inspire aux Insoumis, sur le modèle du discours de Hollande au Bourget. Dans le cas contraire, il n'aura d'autre ressource que de rejoindre Mélenchon, à moins de se retrouver seul, isolé dindon de cette farce dont les socialistes sont les principaux auteurs.


Même dans cette perspective rien n'est joué. Dans le combat électoral que la France livre à chaque élection, au second tour l'écart entre ce que l'on a coutume d'appeler droite et gauche tient souvent dans un mouchoir de poche. Imaginons que Mélenchon gagne, comment réagira le Capital dont les intérêts sont considérables ? Comment acceptera-t-il de revoir à la baisse l'exploitation des humains et des ressources de la planète ? Le combat ne fera que commencer. Si un candidat de la droite extrême est élu, le travail extraordinaire entamé par les militants de la France Insoumise permettra de lutter dans l'opposition avec des arguments peaufinés et ce sur tous les fronts. Le combat aura déjà commencé. Dans tous les cas l'engagement pour sauver la planète du gâchis et de la destruction, pour la justice pour tous, moins d'inégalités entre les êtres, n'aura pas été vain.

Illustrations : Rembrandt, La leçon d'anatomie / Réunion publique aux Lilas de la France Insoumise avec Charlotte Girard et Liêc Hoang-Ngoc

lundi 6 mars 2017

Suicide d'une nation


Les élections présidentielles révèlent un malaise profond de la société française. Ce malaise, qui ressemble plutôt à une maladie, touche probablement d'autres pays européens si l'on en juge par la dérive droitière générale. Après avoir rêvé changer le monde pour que la vie y soit plus douce pour tous, le cynisme a gagné les esprits. Les médias aux mains de milliardaires toujours plus gourmands ont su faire passer le message que rien ne changerait quoi qu'on y fasse. Le capitalisme et sa déclinaison ultralibérale seraient éternels alors que la plupart des individus sont capables d'imaginer la fin du monde ! L'idée d'inéluctabilité est évidemment démobilisatrice. Quantité d'anciens combattants sont gagnés par la peur du retour au fascisme et n'envisagent que des pare-feux stratégiques pour éviter le pire. Leur enthousiasme s'étant abîmé sur les promesses non tenues de la gauche (abusivement incarnée par le Parti Socialiste), ils n'envisagent que de petites réformes qui minimisent les dégâts. Cette position exclut de fait les plus pauvres et ne fait que protéger, mais pour combien de temps, la bourgeoisie qui craint de perdre les miettes que le système de plus en plus inique lui concède. Les plus jeunes n'ont pas connu le temps des utopies que l'après-guerre et les trente glorieuses avaient initiées. Mai 68 et le mouvement hippie annonçaient, de concert avec les progressistes, une société des loisirs qui fut enterrée sous l'appétit des actionnaires. Il aura fallu maintes trahisons pour renverser cette révolution qui n'aura été que morale, libérant les femmes du joug phallocrate, les minorités sexuelles persécutées, distillant la liberté à courte distance. Le colonialisme se transforma en exploitation discrète des ressources des pays pauvres. Le choc pétrolier n'arrangea pas les choses. Les idées de liberté, loin des dictatures explicites, d'égalité, plutôt sexualisée, et de fraternité, le mythe européen, surent donner des images rassurantes en laissant de côté la notion de solidarité pourtant essentielle. Tout ce qui pouvait faire vaciller la bonne conscience judéo-chrétienne fut caricaturée en distillant la peur d'un autre monde possible. La population souffre de mille maux qu'elle est capable d'identifier plus ou moins, mais penser qu'il pourrait en être autrement génère une peur irraisonnable, comme si l'inconnu ne pouvait être que pire encore.
Partout la peur règne en maître. On la sait pourtant mauvaise conseillère. Elle accouche simplement de la république des lâches. Rêver d'un monde meilleur, à l'opposé du pis aller de notre siècle, exige du courage, celui de retrousser ses manches et d'aller au charbon sans calcul égoïste. On ne peut gagner que si l'on est prêt à perdre. Les vivants ne peuvent se satisfaire de donner leur avis sur FaceBook où la critique est rarement constructive. Ils descendent dans la rue, reconstruisent le quartier, prennent des risques évidemment. Il n'y a de pire risque que de n'en prendre aucun. Que l'on s'engage électoralement à changer la constitution de la Ve qui donne tous les pouvoirs au président et à ses valets de pieds, clandestinement dans une résistance inventive ou individuellement dans un travail de proximité, c'est sans relâche tant que le monstre n'est pas terrassé. Le sera-t-il jamais ? Je l'ignore. Ai-je le choix ? Je ne pense pas. La mauvaise foi des lâches et des paresseux tient de la psychanalyse des nantis. Ils portent des masques pour affoler les citoyens réduits à mettre une croix dans un carré, agitant les sondages bidons comme si c'était plié d'avance, dressant des portraits grimaçants qui incarneraient la dictature, comme si notre démocratie n'était pas circonscrite à nos frontières, ou se gargarisant d'avoir tout écrit il y a quarante ans. On peut préférer ceux qui ont fini par comprendre le lien étroit entre capitalisme et désastre écologique aux précurseurs qui ont viré leur cutie. Ces morts-vivants n'habitent que le passé. L'avenir en commun leur inspire une menace plus terrible que l'arrangement qu'ils ont signé avec leurs saigneurs et maîtres. La dignité de l'humanité en a pris pour son grade. Soyons de nouveaux-nés. Le monde est à inventer !

Illustration : Jan Asselyn, De Bedreigde Zwaan, 1650

mercredi 1 mars 2017

Une campagne de notre temps


Très attaché à la cohérence entre théorie et pratique, je suis épaté par l'art et la manière dont la France Insoumise mène la campagne de Jean-Luc Mélenchon pour les élections présidentielles. Les arguments sont une chose, leur présentation en est, souvent, une autre. Or aucun candidat n'a jamais autant détaillé ses propositions depuis qu'existent les médias de masse que sont la télévision et surtout Internet. En complément du programme de 70 pages vendu 3 euros dans les librairies, sur les marchés ou en ligne, les équipes qui entourent le candidat publient 40 livrets thématiques téléchargeables gratuitement, incroyablement variés. Sur le Web, Mélenchon est devenu le plus gros Youtuber politique avec ses Revues de la semaine, dix-neuf depuis cinq mois, qui montrent une personne posée et détendue, loin de l'image détestable qu'en fait la presse, quotidiens possédés dans sa quasi totalité par quatre milliardaires français, chaînes de télévision à la solde du gouvernement actuel et des intérêts capitalistes. Même Médiapart se fait l'écho des autres candidats en le boudant. Ses discours sont pourtant des modèles de clarté et convainquent la plupart des gens qui se donnent la peine de les regarder par souci de penser par soi-même au lieu de déléguer à d'autres ce soin. Si vous pensez que je ne suis qu'un militant de base, fasciné par un tribun gueulard, je vous engage à faire l'expérience vous-même en regardant par exemple le dernier discours, celui de samedi à la Journée de l'écologie, une leçon de choses passionnante...


Je n'ai jamais entendu autant d'intelligence chez un homme politique, improvisant ses discours comme De Gaulle avec humour et détermination, mais surtout variant les thèmes chaque fois sans se répéter. Des Insoumis lui prêtent main forte, en transformant ses discours en rap avec un vocoder comme Khaled Freak, en adaptant le programme L'avenir en commun en bande dessinée comme Melaka, Reno Pixellu et Olivier Tonneau...


Il est évident que cela parle aux jeunes, mais Mélenchon s'adresse à tous les gens, à leur intelligence et leur sensibilité. À moins de faire partie des quelques puissants qui ont beaucoup à perdre s'il était élu, ses détracteurs ne l'ont pas écouté, du moins pas depuis le début de cette campagne. Il avait séduit quantité d'électeurs lors des précédentes élections présidentielles, autant déçu lors de l'épisode Hénin-Beaumont. Sa prise de conscience écologique l'a transformé de la même manière que Naomi Klein passant de La stratégie du choc à Tout peut changer : capitalisme et changement climatique. Jamais, depuis que je suis en âge de voter, un homme politique n'aura été aussi proche des idées pour lesquelles, jeune homme, je combattais. Il incarne autant l'imagination au pouvoir de mai 68 que l'urgence devant la destruction systématique de la planète. La seule objection qui me fasse parfois douter est le contexte soit-disant démocratique dans lequel s'insère cette démarche. À réduire la participation des citoyens à mettre une croix dans un carré ou appuyer sur un bouton le jour des élections, sans qu'aucune formation l'accompagne, il est certain que cela ne favorise pas l'autodétermination en connaissance de cause. C'est bien pourquoi la démarche pédagogique exemplaire de la France Insoumise enthousiasme celles et ceux qui ont pris la peine de s'y intéresser de bonne foi. Quelle que soit l'issue du scrutin, le travail colossal de ses militants permettra de se battre sérieusement, au gouvernement ou dans l'opposition.