70 Humeurs & opinions - avril 2017 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 28 avril 2017

La jeunesse n'emmerde pas que le Front National


Je me retiens de répondre à toutes les inepties que je lis sur les réseaux sociaux pour ne pas envenimer le débat. Probablement que j'y replongerai la semaine prochaine. Les élections créent un vide sanitaire entre les fantasmes et le réel, comme si les affaires courantes étaient en pause. Ne connaissant personne à proximité qui vote Le Pen je ne sens pas le frétillement des racistes et xénophobes. Les socialistes perdent le sens de la mesure et les Insoumis se tâtent avec une nette tendance à suivre le mot d'ordre de la jeunesse, "Ni Marine ni Macron, ni patrie ni patron". Devant le Lycée Voltaire, la manifestation qui avançait serrée sur toute la largeur de l'avenue de la République était incroyable. J'ai eu la rare impression de revenir en arrière, un certain 10 mai 1968, ma première manif. J'avais leur âge et je savais ce dont je ne voulais plus sans la moindre idée de ce que nous réservait l'avenir. C'est peut-être la première fois que je retrouve cette détermination. J'ignore si c'est une projection ou une perception encore abstraite, mais cela m'a trotté dans la tête toute la journée, plutôt comme une sensation à fleur de peau.
De toute manière, en dehors des obligations de boulot qui me font toujours travailler du chapeau et des incontournables tâches domestiques, j'ai le sentiment d'avoir la tête vide pour le reste. Le soir, je regarde comme d'habitude un film pour me détendre. Je mène de front plusieurs festivals, le coffret Chepitko Klimov chez Potemkine, le coffret Barbet Schroeder chez Carlotta et la suite de la collection Akira Kurosawa chez Wild Side. Il n'est pas facile d'en parler avant d'arriver au terme de chacun. Idem avec la 5ème saison des Américains ou de la troisième de Fargo qui vient de démarrer. Je peux juste dire que tout cela est fameux, tant les films critiques du régime soviétique du couple russe Larissa Chepitko et Elem Klimov dans les années 60-70 que les polars noir et blanc de Kurosawa tournés entre 1943 et 1970. Quant à Schroeder je suis ravi de les revoir agrémentés de leurs passionnants bonus. J'y reviendrai.
Avec tout cela je ne sais pas du tout quand envoyer l'annonce du concert du 12 mai au Triton avec Sophie Bernado et Linda Edsjö, craignant que le mail passe à l'as à cause des élections. Jean-Pierre Vivante m'avait proposé deux dates, une entre les deux tours et l'autre juste après le verdict. Je pense avoir bien fait d'avoir choisi la seconde. Vous pourrez au moins vous détendre en pensant à autre chose avec nos Défauts de prononciation qui sont plutôt des défis de prononciation tant ils sont nombreux et variés...

lundi 24 avril 2017

Pour que rien ne change


Un homme demande un prêt à son banquier. Celui-ci, amusé, lui répond qu'il le lui accordera s'il devine lequel de ses deux yeux est un œil de verre. Sans hésiter son client indique le droit. Le banquier, surpris de sa perspicacité, l'interroge sur ce qui l'a mis sur la voie. Le client explique : "c'est le seul où il y avait un peu d'humanité !".
Je relis le programme d'Emmanuel Macron pour savoir à quelle sauce nous serons mangés et n'en constate encore une fois que le vide sidéral, à l'image de ses discours, fades modèles de langue de bois. Les banques ont trouvé le candidat idéal, un homme jeune et malléable qui agira à ce pour quoi il a été formé. Le service de marketing a bien ciblé sa campagne. Le pays sera dirigé comme une entreprise. À sa tête une sorte de Bush Jr, marionnette pratique qui permettra aux principaux actionnaires d'en tirer les ficelles. Rien hélas de nouveau. C'est la continuité exacte du quinquennat précédent, la créature laissée en héritage par François Hollande, un président dépressif dont il ne restera pas grand chose. Le futur président de la République, avec son nez qui le démange, a déjà les tics de Sarkozy, comme si le costume attendait seulement un corps qui le remplisse.
Je n'ai jamais cru un seul instant que Marine Le Pen pourrait l'emporter. Qui que ce soit en face d'elle remporterait la coupe. Il y a quinze ans, j'ai voté Chirac contre son père, la honte ! On ne m'y reprendra pas deux fois. Pas question de lui fournir une légitimité usurpée. Le Capital se joue de la démocratie en nous offrant deux alternatives identiques qu'ils appellent la droite et la gauche avec le Front National comme variable menaçante. Le modèle américain démocrates-républicains s'exporte bien. L'électorat de Le Pen est difficilement extensible. Cet épouvantail rassemblera contre lui la droite traditionnelle, les socialistes de tous bords et ceux qui se laissent impressionner par le spectre du fascisme. La victoire de Macron n'est qu'une question de pourcentage. Chaque fois qu'il y aura un risque de changement possible, ils agiteront la menace d'attentats ou engageront la France dans quelque guerre punitive dont l'intérêt économique est le moteur post-colonial.
C'est bien là que ma tristesse s'exprime. Pas dans l'échec de la France insoumise à ne pas accéder au second tour, mais dans l'énigme que représente pour moi l'espèce humaine. D'abord je pense que face au candidat des banques, Mélenchon aurait perdu dans quinze jours, devant lutter contre une ligue qui aurait rassemblé l'extrême-droite, la droite traditionaliste et les socialistes. Les Communistes qui ne représentent plus grand chose n'ont jamais voulu du pouvoir, préférant rester dans l'opposition. Le travail exceptionnel des militants de la France Insoumise n'est par contre pas perdu. Il servira les luttes sociales qui ne manqueront pas évidemment et il fournira les armes contre le gâchis écologique qui se perpétue. Non, ce qui me désole, c'est l'aptitude de l'espèce humaine à s'autodétruire en entraînant avec elle toutes les autres espèces. Comment cette élection pourrait-elle me déprimer alors que la guerre fait rage partout sur la planète et que chaque jour des dizaines de milliers d'innocents font les frais de politiques aussi absurdes que criminelles ? Je ne m'y ferai jamais.
Le regain d'intérêt de très nombreux Français pour la politique est la bonne nouvelle de cette campagne du premier tour, le second n'étant qu'une mascarade. La prise de conscience de beaucoup pour une mutation écologique fera probablement évoluer nos pratiques quotidiennes. L'intelligence et la clarté des propositions de Jean-Luc Mélenchon et des militants qui l'ont soutenu sont une base de travail pour l'avenir. Il est tout de même formidable d'arriver à convaincre autant de monde sans l'appui d'aucun parti, d'aucun média. L'écart est mince si l'on pense que le héraut de la finance bénéficie d'une armada colossale, la presse et la télévision étant tombées aux mains de ses employeurs, banquiers et marchands d'armes qui n'ont besoin que d'une agence de publicité qui fasse la retape. Mélenchon rivalise d'inventivité, confronté à cette société du spectacle où la forme est une vaseline chargée de flouter les mesures iniques pour que les victimes continuent d'élire leurs bourreaux. Car très peu de personnes tirent les marrons du feu, et ceux-là ont besoin de petites mains qui s'y brûlent et se consument. Mais de plus en plus d'yeux apprennent à s'ouvrir et rien n'est jamais acquis, ni l'horreur, ni l'espoir d'un monde meilleur. C'est un travail. Un travail quotidien.

lundi 17 avril 2017

Faux amis


J'ai longtemps hésité avant de virer de mon mur certains de ceux que FaceBook nomme des amis. J'en avais moi-même fait les frais, pas seulement des amis à la mode FaceBook mais aussi IRL (In Real Life, comme disent les anglophones) quand le délire anti-mélenchonien avait atteint des sommets. Exprimant d'abord ma tristesse pour tenter de les empêcher de se compromettre, le déni avait fini par l'emporter. Ma décision est douloureuse, cette exclusion n'étant nulle censure, libre à eux de continuer ailleurs que chez moi, mais une réaction sanitaire. J'ai en effet appris à éviter les contrariétés pour vivre plus sereinement, que ce soit dans le travail ou l'intimité. Depuis que je ne m'énerve plus, je somatise beaucoup moins et la vie est beaucoup plus gaie, ce qui ne m'empêche pas d'apprécier l'éventualité d'un retour des "jours heureux", car ma révolte contre les inégalités, l'injustice et le cynisme n'a par contre pas faibli !
Les commentaires affligeants sont particulièrement pénibles lorsqu'ils proviennent de personnes que j'admirais et qui ont chu de leur piédestal en se répandant en calomnies avec la plus grande mauvaise mauvaise foi ou un délire paranoïaque qui ne permet aucun débat. J'ai remarqué qu'ils ou elles étaient souvent des gens de pouvoir, directeurs de grande école commerciale ou de festival, réalisateurs de documentaires à l'ego surdimensionné par rapport à leurs œuvres devenues banales avec le temps, chefs de petites entreprises dans le multimédia, etc. À se demander si l'intelligence de Mélenchon ne leur fait pas de l'ombre, sorte de querelle de coqs d'un point de vue psychanalytique. J'en suis venu à souvent chercher du côté de l'analyse les raisons absurdes qui leur font proférer des propos négationnistes et à certains gouvernements de reproduire les crimes qu'ils avaient subis.
En fin de semaine j'ai lu ainsi n'importe quoi concernant l'ALBA sans qu'ils s'en soient informés par eux-mêmes au lieu de reproduire des articles mensongers publiés dans Le Monde par exemple, journal aux mains de milliardaires dont le héraut est le pantin Macron. Quant aux amalgames, que je préfère dentaires bien que n'appréciant guère les séances de torture, il est incroyable que les rapprochements avec le stalinisme soient encore de mise aujourd'hui. Mélenchon a parfaitement répondu à ces allégations dans sa 25e revue hebdomadaire sur YouTube (ou mieux lors de son discours de Toulouse hier dimanche devant 70 000 personnes).


J'imagine que quelques uns défendent leur pré carré et que nombreux ont simplement peur du changement, préférant la souffrance qu'ils connaissent à une autre supposée dont ils ignorent tout.
Enfin, comme je crois d'une part Jean Renoir lorsqu'il avance qu'on ne convainc personne qui ne veuille être convaincu, et que d'autre part je ne peux pas passer mon temps à rabâcher les mêmes explications à des interlocuteurs qui n'en ont cure. Je préfère m'éviter de lire cette littérature nauséabonde qui s'affichait là, en coupant toute communication qui semble inutile. Contrairement à ce qu'ils imaginent, je débats régulièrement avec des amis qui ne partagent pas du tout mes opinions, parfois même les pires, à condition qu'ils défendent clairement leurs points de vue et leurs intérêts sans être obligés d'inventer n'importe quoi... Cela ne me fait pas forcément plaisir, mais j'essaie toujours de comprendre ce qui les agit.

N.B.: les photos d'Olivier Degorce qui illustrent actuellement ma page FaceBook ont été prises à Londres le mois dernier, dans la rue et en concert devant la Mascarade Machine.

mercredi 12 avril 2017

Aux Zorro et autres intellos de gauche qui crachent dans la soupe


L'engouement pour le programme de la France Insoumise augmente de jour en jour. Son candidat à la présidence de la République, dernier de la Ve avant que la Constituante accouche de la Constitution de la VIe (la vie !?), fait preuve d'une clarté exemplaire dans ses prestations publiques et médiatiques et si l'on est sensible à son argumentaire tant écologique qu'économique, pacifique et moral, Jean-Luc Mélenchon rassemble de plus en plus de suffrages à quelques jours du vote, laissant espérer qu'il se retrouve en lice pour le second tour. Or si Mélenchon se retrouve au second tour contre Marine Le Pen il a de très grandes chances de l'emporter. On cravache donc pour convaincre les indécis, les abstentionnistes, les hamonistes, les poutouistes, etc.
Première adresse aux abstentionnistes qui préfèrent militer au quotidien dans un combat de proximité, à Notre-Dame-des-Landes, auprès des "sans-papiers", etc. Souvent de tradition anarchiste, ils critiquent le culte de la personnalité des hommes et femmes politiques, choisissant la marge comme s'il était possible de s'exclure du jeu social. Cette démarche parfaitement louable et compréhensible peut paraître égoïste, car, souvent issus de la classe bourgeoise, ils se marginalisent dans un mouvement de solidarité limité. Ils ne désirent le plus souvent pas de véritable changement, leur marginalisation représentant un confort de l'esprit à la Zorro. Rappelez-vous que le justicier est un riche aristocrate qui prend la défense de la veuve et de l'orphelin, accompagné de son fidèle serviteur muet ! Or si Mélenchon devenait le dernier président de la Ve République, il entraînerait quantité de pays européens à sa suite, avec une petite chance de sauver la planète du gâchis et de la guerre mondiale qui se profile. L'enjeu est colossal, quand un Macron au contraire nous ferait glisser dans l'horreur qui est hélas déjà à l'œuvre...
Deuxième adresse aux "intellectuels de gauche" qui ne cessent de chercher la plus petite mesquinerie qui salirait Mélenchon, sans y arriver, mais boudant le plaisir de bousculer l'ordre des choses et de réaliser cette révolution pacifique. Même constatation sur leur désir de renverser le cours de l'Histoire. Le souhaitent-ils vraiment ou se complaisent-ils dans un pessimisme dont ils sont les héros ? À noter que presque tous et toutes sont des personnes intelligentes, mais avec un ego surdimensionné, incapables d'avaler qu'un politicien soit plus brillant qu'eux ! Ils attaquent honteusement la personnalité de Mélenchon, comme s'ils n'avaient jamais voté que pour des altruistes effacés. Ou bien ils ressassent ses prétendues attaches à Poutine, alors qu'il a été parfaitement explicite sur le sujet. En m'interrogeant sur ce qui lie ces détracteurs systématiques, je me souviens que des années durant ils ont été des gens que j'ai admirés, mais aujourd'hui ils se répandent misérablement sans développer le moindre argumentaire. Ils préfèrent jouer les va-t-en-guerre en Syrie comme jadis Romain Goupil en Irak ou BHL en Lybie, deux pays que nous avons totalement détruits, ils préfèrent louer Benoît Hamon placé là uniquement pour siphonner les voix de la France Insoumise, le candidat du PS renégat étant de toute évidence le freluquet Emmanuel Macron, sorte de pantin entre les pattes des banquiers à la manière de Bush Jr.
Mon article, que j'admets provocateur et réducteur, n'aura convaincu personne qui ne veuille être convaincu, comme disait Jean Renoir, mais j'avais envie de partager cette analyse sommaire avec toutes celles et tous ceux qui participent à ce mouvement d'une rare créativité où l'espoir reprend du poil de la bête, au moins ces deux dernières semaines, mais certainement pour plus longtemps, tant le travail des militants a redonné foi en la possibilité d'un autre monde, avec un programme qui servira quelle que soit l'issue du scrutin. La politique refait surface et envahit la rue. Je devrais mettre plus de points d'interrogation que d'affirmation, car je comprends aussi que la société du spectacle a atteint un point extrême où nombre d'entre nous ne savent plus s'ils jouent un rôle, s'ils sont agis ou s'ils ont encore la faculté de penser. J'ai moi-même encore des doutes que j'ai laissés de côté le temps de quelques jours...

vendredi 7 avril 2017

Un Télérama sans télé ?


Comme de nombreux lecteurs encore abonnés à Télérama, il y a longtemps que je ne lis plus que les pages magazine, laissant collées celles consacrées à la télévision. Habitant Paris, je feuillète également le Petit Journal, mais depuis quinze ans j'achète une incroyable quantité de papier dont je n'ai aucun usage, préférant la matière des quotidiens pour allumer le feu dans l'âtre. Cela ne coûterait-il pas moins cher de fabriquer une édition plus mince, moins d'arbres à couper, moins de poids à la Poste ?
Les jeunes ne regardent plus la télévision, préférant le replay sur Internet, mais ce ne sont pas les seuls ! La multiplication des chaînes a joué contre elle : avec les chaînes thématiques s'est constitué un communautarisme des programmes là où dans le passé la pauvreté quantitative de l'offre obligeait à un universalisme de qualité. Internet assume dorénavant cet encyclopédisme œcuménique. Avec la recherche en ligne, le programme quotidien du magazine est devenu également inutile, sauf pour les personnes âgées attachées à leur fauteuil.
Il n'existe à ma connaissance plus beaucoup de magazines culturels embrassant la presque totalité du champ. Les quotidiens comme Le Monde et Libération passés idéologiquement à la réaction sont trop énervants pour que je puisse encore les lire et leur offre culturelle s'est considérablement réduite à force de suivre la loi du marché. Il est étonnant que Télérama ait résisté jusqu'ici au rouleau compresseur du Monde qui a racheté le magazine en 2003, affichant une ouverture d'esprit dans sa tradition catho de gauche, devenue rare aujourd'hui, les pages culturelles du Monde Diplomatique, très anecdotiques, restant bien en dessous de ce que l'on pourrait en espérer.
Me voilà donc surpris d'attendre mercredi pour feuilleter l'actualité artistique de la semaine ou du mois à venir. Profitant de rabatteurs (parmi mes amis) qui m'indiquent de temps en temps des sujets susceptibles d'alimenter mes articles, je fus récemment heureux de découvrir Chinese Man sous la plume de Frédéric Péguillan ou Sons of Kemet sous celle d'Éric Delhaye dans le Petit Journal, deux groupes qui m'avaient échappé et tournent depuis sur ma platine.


Petit a parte sur Sons of Kemet, quartet de jazz anglais dirigé par le saxophoniste Shabaka Hutchings, Londonien d’origine caribéenne, à qui l'on doit deux albums, Burn et Lest We Forget What We Came Here To Do, à la croisée du rock et de la musique africaine avec un jeu de jambes irrépressible venu des îles. Leur côté roots résume la musique à l'indispensable. Accompagné par le tubiste Oren Marshall (ou Theon Cross) et les batteurs Seb Rochford et Tom Skinner, Hutchings joue avec une fougue communicative, au ténor ou à la clarinette, interrogeant l'identité des Caraïbes dans ses compositions. Sans qu'il ressemble à aucun d'eux, je n'ai pu m'empêcher de penser à Dolphy, Rollins, Ayler, Coleman, quand le soleil vient frapper nos peaux décolorées. Hutchings est aussi féru de musique contemporaine et a initié depuis d'autres projets comme le trio, electro free, The Comet Is Coming. Les clips vidéo sont ici !
Retour à Télérama où les articles de société sont toujours intéressants quel que soit le regard critique que l'on porte soi-même sur le monde qui nous entoure. La présentation des sorties cinématographiques est exhaustive. Le choix de certains chroniqueurs est parfois catastrophiquement restrictif lorsqu'il se focalise sur un genre très convenu comme Michel Contat pour le jazz, mais on peut suivre des pistes ici ou là, que ce soit pour les sorties de livres, les expositions, les sorties ou des musiques qui ne sont pas a priori dans notre champ de vision...

mercredi 5 avril 2017

Les derniers Maîtres


Ne plus regarder la télévision ressemble à une cure de détox. Depuis quinze ans nous avons remplacé le roman national professé par le quatrième corps d'armée par le butinage en réseaux sociaux. Cela n'évite pas les balivernes et il est toujours besoin de vérifier ses sources avant de partager, mais le contenu manipulatoire est moins répétitif. D'autre part nous avons ainsi accès à quantité d'informations inaccessibles autrement, comme par exemple les discours in extenso de Jean-Luc Mélenchon qui convaincraient nombre d'indécis s'ils prenaient la peine de les écouter. Un petit extrait pour celles et ceux à qui on a fait le coup de l'amitié avec Poutine :


Ayant dérogé à ma règle et suivi le débat entre les cinq principaux candidats à l'élection présidentielle, j'ai remis cela mardi soir avec les 11 candidats, sur BFMTV par dessus le marché. Les commentaires journalistiques des préparatifs, dit avant-débat, ressemblaient à ceux d'une retransmission sportive, société du spectacle au mieux de sa forme. Ce spectacle grand public, pour qui peut tenir quatre heures concentré sur les discours et les yeux des acteurs, m'inspira quelques réflexions.
D'abord le bilan final formulé par la sanction de l'audimat donna encore une fois Jean-Luc Mélenchon comme candidat nettement le plus convaincant. Les instituts de sondage, entreprises de manipulation aux mains de quelques milliardaires, qui avaient depuis le début de la campagne minimisé son impact sont obligés de reconnaître sa montée dans l'opinion. C'était habile lorsque l'on se souvient que les Français n'aiment pas voter pour un perdant. On avait donc droit au terme de "gauche radicale" contre "vote utile" incarné par le candidat supposé du PS, Benoît Hamon. La magouille du parti actuel au pouvoir démasquée, à savoir que son candidat réel, même officieux, a toujours été Emmanuel Macron et que Hamon n'est là que pour siphonner les voix de Mélenchon, les intentions de vote ne pouvaient que se ratatiner. À moins de trois semaines du scrutin et devant la progression éclair du candidat de la France Insoumise, les instituts de sondage ne peuvent donc continuer à le jouer à la baisse sans se ridiculiser en perdant toute crédibilité.
Dans tous les débats Macron, candidat des banques et des chaînes de télévision qu'elles tiennent en coupe serrée, apparaît étonnamment comme le plus flou, le plus confus. J'ai aussitôt pensé à George Bush Jr, un idiot de la famille dont les fils de marionnette finissent par se voir, la poudre aux yeux et la colère qui monte au nez ne faisant plus l'effet escompté dès lors qu'on en abuse ! Son paravent "ni de gauche ni de droite" est pourtant à relever, mais ce n'est pas lui qui l'incarnait au débat de mardi soir. En effet les candidats, dits petits par la taille de leur score supposé, comme Jacques Cheminade, Nicolas Dupont-Aignan, François Asselineau ou Jean Lassalle, a priori considérés comme à droite ou centristes, rejoignent les positions des Trotskystes Philippe Poutou ou Nathalie Arthaud lorsqu'il s'agit de fustiger la corruption imposée par la dictature financière défendue exclusivement par Fillon et Macron. Je ne parle pas de Marine Le Pen dont le discours est un tissu de mensonges et de contradictions essentiellement accès sur la haine de "l'autre", histoire de gruger même quelques électeurs d'origine maghrébine ou africaine qui ne se rendent pas compte qu'ils tressent une corde pour se pendre. Poutou, que les commentateurs sportifs issus des beaux quartiers jugèrent impertinent dans son laisser aller popu, sut lui clouer le bec avec à propos. Pendant ce temps, Arthaud ramenait chacune de ses interventions au sempiternel "travailleuses, travailleurs" de jadis Arlette Laguiller. Asselineau citait les articles prouvant la catastrophe des traités européens, Cheminade exultait une saine colère, Dupont-Aignan défendait les petites entreprises, Lassalle lançait des clins d'œil complices à Mélenchon, seul candidat à embrasser la totalité des sujets évoqués par la campagne, mais si on a suivi ses discours où dans chaque ville il tient des heures sur un sujet différent on ne sera pas étonné par la clarté du petit résumé que la vingtaine de minutes, vouée à chacun des 11, lui octroyait.
L'autre candidat à stature présidentielle semblait Fillon, capable de rester stoïque, malgré le nombre grandissant des preuves de ses mensonges et cachoteries hypocrites dont certaines mériteraient tout de même un coming out, surtout lorsqu'on est soutenu par la Manif pour tous. Le seul candidat dont l'électorat est explicitement de droite (le FN attire aussi des déçus et malinformés, Macron des démocrates-sociaux à qui on a réussi à faire peur avec la montée fabriquée du FN) joue la victime et la dignité, sorte de chemin de croix qui continue à plaire aux cathos qui le soutiennent.
Il est à parier que Jean-Luc Mélenchon, si ses militants arrivent à convaincre les indécis et les abstentionnistes, pourrait très bien se retrouver au second tour, non contre toute attente mais contre toute intox. Car si les intentions de vote à son égard s'amplifient de jour en jour, c'est contre la fantastique levée de boucliers (lire Le mascaret) que lui opposent les médias qui l'ont caricaturé depuis des années (normal, ils appartiennent tous à des milliardaires marchands d'armes ou banquiers), les partis traditionnels y compris ce qui reste du Parti Communiste dont les positions sont honteuses face à l'extraordinaire travail que représente le programme de la France Insoumise, la classe politique (il n'est entouré presque que de jeunes qui n'ont jamais été élus), les attaques contre la personne pour étouffer le programme, etc. Mais la clarté de son discours convainc de plus en plus de monde, des jeunes qui voient mal ce qu'un autre avenir leur réserve, des citoyens épris de paix (le discours belliqueux de Hamon tranche là, malgré tout ce qu'il a pompé pour son simili-programme), des personnes qui veulent vivre autrement, dans le respect de la nature (c'est le seul candidat dont l'écologie est à la base du programme économique), des gens qui veulent que cela change et prêts à s'en donner les moyens. Je donne ici peu d'exemples, le programme L'avenir en commun fait 70 pages qui se lisent très facilement et il est accompagné de plus de 40 livrets thématiques qui raviront celles et ceux qui pensent que les jours heureux ne sont pas histoire du passé...